La plage, toujours renouvelée

Soir d’été ; avant l’arrivée des grandes transhumances… les journées n’en finissent plus de mourir, l’air est intact, comme au premier jour. Chaque bruit semble filtré par un coussin d’azur si pur… tout est ralenti, heureux, obéissant à la simple loi de la lumière et de l’ombre. Le doré du soleil se pose sur les reliefs comme une caresse, et entame un entêtant déclin.

La mer est presque absente, discrète, en retrait, ondulant d’à peine une ride au bord de ses lèvres gelées. Au loin, quelques jeunes, un vélo, un ballon. Le regard ne sachant qu’embrasser en premier, se rétracte, laisse tomber l’habituelle avidité, cherche à l’intérieur les clés du mystère.

Le sable devient palette d’un peintre, chaque repli enfouit une histoire, un moment de la journée.

L’escalier pourrait descendre vers ce monde inavoué, mais il peut aussi monter. Il symbolise le passage, de la terre à la mer, de la force vers l’abandon, du matériel vers le non-dit, le libre, l’essentiel.

Sur son flanc, le lichen rougeoyant parle de mémoires de tempêtes.

One Day

 

One day, il fera clair, la tempête aura disparu

Tu t’assoiras au bord de la falaise,

les yeux clignant devant la beauté du monde

à laquelle tu auras enfin accès

 

Le cœur battant,

Tu entendras les étoiles filer en toi

Glisser comme une magie bienheureuse

 

Les accès se tairont, les voix se feront douces

En toi seul l’entendement règnera

 

Il y aura des villes, il y aura des promesses

Il y aura des enfants au regard aiguisé

Des sirènes, des montagnes de bricoles

 

Il y aura aussi la foi et la splendeur

Le regard sidéral de l’univers

Ancré en chacun, imaginé et réel

Indissociable de la fraternité

 

Et les glorieux traits de la vie emmêlée

Au chuchotement des cœurs

Guéris, épanouis.

Noces sur le roc

Bretagne; toujours…

Mon corps se souvient, au contact du rocher. De ces belles journées d’été à sautiller dans l’eau froide, de ces longs ciels bleus striés de mouettes claires, de cet espace qui s’ouvre lorsque le reste n’importe plus. Mon corps n’est pas lourd, mais sous le soleil irradiant ce matin il s’enfonce dans la matière de ce rocher comme du beurre retournerait à son état liquide. Une agréable et légère sensation de brûlure effleure ma peau, sitôt soulagée par la brise du nord-ouest qui assouvit tous mes désirs. Mon corps que personne ne touche depuis des semaines fait un avec le roc, trouve dans son contact rugueux et solide un plaisir indicible. Sans mouvement aucun, l’union s’accomplit au rythme de ma respiration, sous la chanson des vagues lointaines.

Mon corps explore ces sensations familières qui ne sont pas nouvelles mais pourtant semblaient oubliées. Il se repose dans le soutien que forme la croûte terrestre sous les blocs de rochers, jetés et plantés au bout de cette plage depuis des temps immuables. Il se projette au plus profond de la terre, dans son cœur explosif et brûlant où toute vie fut engendrée et où bouillonnent encore moultes formes inconnues. Il flotte pour ainsi dire entre ce matelas terrestre, dur mais rassurant, qui lui transmet sa force, et le ciel qui s’étend comme un voile de mariage au-dessus de lui.

Mon corps prie pour ne plus oublier. Il s’étonne de la distance qu’il a laissée se former entre ces simples messages de la nature et lui. Son écoute avec les ans s’est émoussée, il est devenu sourd aux subtiles mélopées que murmurent le vent, le sable, la mer, le roc. Même les mouettes dans leur danse erratique semblent lui reprocher sa folie. Et pourtant il sait que ces messages sont ancrés en lui, et qu’il lui suffirait d’un peu de pratique, d’un peu d’écoute pour faire renaître ce sourd désir qui affleure maintenant en tension amoureuse. Mon corps honnit ces expériences sépatrices de l’enfance qui n’ont laissé que des marques de désaffection, des idées de rupture, des isolements, des négations, des coupures d’avec le monde et son immense cœur qui palpite.

Contrastes

Mercredi, veille de l’Ascension

 

17h – 438 kilomètres de bouchons

Le Rhône avale des giclées de soleil

Des milliers de parisiens font les Bidochons

Rouge sang la pivoine règne au jardin

 

18h – 499 kilomètres de bouchons

L’air du soir compose, la trêve s’impose

Soupir ; et un regard perdu vers les roses

Avant que la chaleur n’empâte leur éclat

 

19h – L’A6 implose, la campagne se repose

Le téléphone sonne et l’Europe débloque

Les lilas ont cédé la vedette à la glycine

Pâle, celle-ci néanmoins affiche

Une fière giboulée de clochettes sibyllines

 

20h – Gares surchauffées, aéroports survoltés

La maison respire et se gorge des fées

Lâchées par le jour qui tombe au ras des prés

Le chat l’intrus se glisse, discret

La chatte est déjà passée

 

21h – Manchester pleure

Une adolescente a incendié sa sœur

Les grands voyageurs atteignent, en sueur

Quelque havre, pour quelques heures…

Des pétales de rose au couchant

 

22h – La folie du monde se tapit, attendant sa revanche

Les anciens se souviennent

Leur regard transperce le temps

Du fond d’une photo qui livre son secret

L’aloé fléchit dans le vent

 

23h – Le ciel étincelle

La colline noire, inflexible aux accents des bourrasques

Souligne d’un trait immuable

Ce que n’ose dire

Le grand dragon ailé

Qui gît dans la vallée.

 

Minuit – La nuit s’est glissée

Dans les interstices

Des vieux murs étoilés

Tandis que se délient les cœurs et les oreilles

Le corps incertain se rebelle

 

Le ciel s’est paré de grandes traînées laiteuses

Voile de mariée enveloppant la terre

Un miaulement familier devient mystère

 

1h – Veillent encore les cœurs inquiets

La hulotte aux aguets

Ceux pour qui le chant du soir est un songe creux

Ceux qui chuintent des larmes de feu

Le lynx élusif et le renard fêtard

 

Comme un point de beauté,

Vénus au firmament descend…

 

(mai 2017, hommage à Nino Ferrer….et clin d’œil à Reiser !)

Étreins

Étreins le pas qui hypnotise

La gelée blanche qui réjouit

Étreins le glas libérateur

Qui ne s’embarrasse pas de tes cris

 

Étreins sans chercher le sommeil

La lune ridée qui te défie

Étreins la vague qui se flétrit,

Le stylo qui peine à mentir

 

Étreins sans chercher à saisir

Délicate précision

Les sourires sans lendemain

Les peines et les joies à venir

 

Étreins pour ne rien dire

Pour ne pas perdre la raison

 

Étreins sans mots la joie sauvage

Qui parcourt ton corps frissonnant

Dans l’aube frêle, un rivage

Se dessine, assourdissant

 

Dans un entêtement féroce

Étreins encore le chant des cœurs

Quand au fond des yeux des proches

Se meut, sans voix, la trahison

 

Étreins, mais lâche le morceau

Ainsi veut la Fée Carabosse

Qui dégaina ses vœux fantoches

Dans un cocktail ruisselant

 

De rires, de fantômes et de cloches

Palpables comme au premier temps

Dans l’univers tourbillonnant

Étreins pour ne pas haïr

 

Étreins le front aux reflets suaves

Qui te conjure et te salit

 

Étreins, mais ne regrette rien

Il n’est pas dit que les étoiles

Ne brillent que pour ceux qui les voient.

 

(janvier 2017)

Chaque porte est mystère

Chaque porte est mystère. Pas dans l’ailleurs qui s’offre et se dérobe à la fois. Jeu de piste, miroir de notre curiosité. Indice semé sur notre chemin, pour nous étonner, nous intriguer, nous charmer, nous ravir.

porte

Chaque serrure est promesse. Celle, tenace, d’un monde inouï, qui ne demande qu’à éclore. Celle aussi, intime, du secret préservé. Celle des cœurs pacifiés et des cœurs déchirés. Celle, toujours renouvelée, d’un matin printanier.

Les portes du monde ouvrent notre cœur car elles nous éclairent de l’intérieur. Elles sont le trésor que nous voulons découvrir, ruelle après ruelle, avenue après avenue.

Le judas dévoile notre présence, interroge, et laisse deviner l’intention ; mais il parle aussi de méfiance et de trahison. Le pêne qui joue dans la gâche promet l’abandon, ou poliment décrète la fin du jeu. Les gonds qui grincent délicieusement appellent à la lenteur…

Portes rouges, jaunes, vertes, portes en bois, en ferraille, pauvres portes de marins et portes altières des palais, proprement closes ou mal ficelées, portes nettes et portes défaites, portes choyées ou portes éculées, portes polies par les vents, brisées par les adieux, bercées par les sourires… chaque porte raconte les pas qui l’ont franchie, les mains qui l’ont poussée, les fureurs qui l’ont claquée, les amours qu’elle a protégées…

 

 

Profession de foi

à Juliette !

IMG_5145

Je suis l’Indomptable

La rebelle aux ailes brisées

La goëlette aux voiles irisées

 

Je suis l’Irréfutable

La Preuve par 6,

La vahiné

Qui de ses jolis pieds va charmer les sirènes

Et chatouiller les Tritons affamés

 

Je suis l’Infatigable

La grande Diseuse de Vérités-qui-fâchent

La redresseuse de torts

La Justice enfin rétablie

Je suis la Révolte

Au front des étudiants

 

Je suis la toute fine

La Grande

La Délaissée

La Belle-au-Bois-Dormant qui attend son baiser

En lisière des rêves agonisés

 

Je suis l’Acharnée

Qui ne recule que pour mieux sauter

Celle qui, point par point ira tisser sa toile

Pour tout englober

 

Je suis la Diane verte au regard sibyllin

A l’ironie fulgurante

Aux flèches fuselées

À la touche d’acier

 

La Vestale de Delphes aux pieds ensanglantés

Qui prédit la débâcle des lâches et des menteurs

La mise au ban des dévoyés

L’avènement certain de l’authenticité

Le retour annoncé de l’antique Splendeur

 

(décembre 2017)

Il était dit

Il était dit que de l’Espoir viendrait la Force, et que de la Force, l’Espoir tirerait ses dernières forces.

Il était dit qu’ils se reconnaîtraient, et que de cette reconnaissance naîtrait un nouvel Être, et que dans les bras l’un de l’autre ils se serreraient, se ressourceraient, se rasséréneraient. Et qu’ils puiseraient ensemble, à nouveau, à la source de Vie.

Il était dit que nul ne s’en apercevrait, à part le chant des oiseaux au petit matin.

Et ainsi vécut le monde jusqu’au jour du Lendemain.

Et ainsi mourut la nuit poursuivant ses chimères.

Et ainsi s’éteignit le feu dévastateur, et les mirages désincarnés perdirent de leur attrait.

Et alors, dans un nouveau monde encore incertain, le cours put attendre son temps, les failles purent s’ouvrir, laissant enfin passer la Lumière.

Il était aussi dit que les lendemains seraient chanteurs …