Le pouvoir de l’instant

Ferme tes yeux, tes oreilles aux horreurs du monde

plonge en-dedans

regarde la merveille qu’est la vie en toi …

respire, respire, respire,

ne te laisse pas abattre

la seule chose qui compte

c’est l’étincelle en toi

qui vit, qui brille, qui rayonne

et qui porte en elle

le germe d’un monde futur,

d’un monde meilleur

Fais grandir cette graine,

jour après jour,

patience dans l’azur …

arrose-la, nourris-la, parle-lui tendrement,

donne lui de l’amour,

assure-toi qu’elle n’a pas froid

ni trop chaud, ni trop au sec

prends soin d’elle comme un nouveau-né

fragile et tout plein de l’espérance qu’il porte

Ecoute cette petite voix discrète en toi

celle qui te dit de ne pas baisser les bras

celle qui te donne la force

de sourire et de chanter, encore …

Qui est chaleur, qui est lumière

cette petite flamme au fond de ton coeur

qui se redresse après chaque tempête

Il n’y a que l’instant qui compte

et en lui réside le pouvoir de l’atome

celui de faire tout imploser

et changer la façon dont est conduit le monde

Ecoute cette petite voix,

pardonne, rayonne, rassemble tes souvenirs

Fais de ta vie une danse

gère tes échecs, tes déprimes

réjouis toi de tes succès

brille de ton feu sans vouloir écraser quiconque

respecte la voix de chacun

et son apport au monde

assume et continue ta route

le regard droit

la démarche sûre

l’aura d’amour qui te protège autour de toi

chaque instant est précieux

et porte en lui le germe d’un avenir radieux

Tu as le choix d’être heureux

Virevolte

Virevolte

Révolte qui sourd

grondement des vieux loups dans la forêt profonde

familière et féconde

qui nous ensemence et nous nourrit

Humus des années passées à comprendre, à grandir

Craquement sec dans la nuit épaisse

une branche enfin prête à céder sous nos pas

après des années de décomposition

la face de l’ombre

plonge son regard

en nous

fait volte-face

et libère la clarté qui dérange

Virevolte

Au goût amer des feuilles mortes

se mélangent les sucs des insectes qui grignotent

écorces, brindilles, pousses tout justes sorties

et les sables éphémères, en volutes émouvantes

se rappellent à notre conscience ensauvagée

en tempêtes

tourbillonnantes

de spirales enfumées

Lames de fond sur le gouffre de l’âme

qui cinglent tout sur leur passage

Virevolte

Tout revient tournoyer autour de nous

en longs lambeaux effilochés

à moitié digéré, à moitié consommé

tout revient nous obséder

demander son compte

travailler notre naïveté

en saccades obscures

cycles absurdes dont nous peinons à sortir

et tout tourne sans cesse

en vagues déferlantes

qui nous hypnotisent et nous hantent

Virevolte

Tout autour de nous n’est que pensées, émotions élaborées

émanant du monde subtil

Toute forme autour de nous s’estompe

des ombres se redressent et viennent réclamer leur dû

raclant le sol et rechignant à évoluer

avant de retourner en poussière

tout n’est que spirale du vivant

apparu, transformé, disparu

Virevolte

Tout autour de nous vibre et se dilue

comme des lucioles

dans l’air qui sature et étincelle

Tout n’est qu’Amour et confusion

Tout n’est que Paix et illusion

(c) DM

Le pouls de la Terre

C’est une large vallée entourée de falaises

ocres, rouges, chocolat

et ombragée d’oliviers

une rivière la traverse

au couchant

les roches s’empourprent de rouge flamboyant

chocolat, cannelle, orange,

rochers de pierre tendre,

façonnés par le vent, la foudre, le gel, le soleil et l’eau

sable blond

où crapahutent léopards, babouins et marmottes

lézards, petites antilopes

où le jour s’écrase en une chaleur tournante

comme dans un fourneau

rochers pulvérisés

chaleur dense rivière cascades et piscines enrochées

vent éclair orage tourbillonnant 

horizon tournoyant

le cœur de la terre qui pulse

vallées fertiles et roches desséchées

atomisées sous l’effet du soleil 

où alternent

canicules et inondations

où poussent les citrons les mangues les abricots les amandiers et les olives

falaises déchiquetées

buissons piquants aux senteurs acides

herbes citronnées et amères

arbustes aux odeurs de terre

étoiles explosées comme des diamants

nuit pure, vénus incandescente

ciel abondant en légendes anciennes

terre ancestrale des bushmen

peintures évoquant les transes chamaniques

invocation à l’esprit de l’éléphant

pour guérir le monde

les feuilles chantent au murmure du vent

comme des gouttes de pluie

un petit bout de provence un petit goût d’algérie

au bout du monde retrouvés

(Monts aux cèdres, Afrique du Sud, mars 2022)

(c) DM

8/8 Impressions gionesques

Voyages féeriques et énigmatiques au pays de la langue de Giono

Ce qui est particulièrement attrayant et jouissif chez Giono c’est le vocabulaire amoureux de la nature. Quand il parle du vent, de la forêt, du plateau ou des bêtes, ou même du grain de blé, ou des narcisses, ou du civet de lapin ou du bon vin tiré frais et pétillant, on dirait qu’il parle d’une femme qu’il a aimée.

C’est, en outre, en lisant certaines pages de Giono que je me rends compte à quel point nous avons perdu la diversité des espèces. Les oiseaux, par exemple, dans Giono se comptent par centaines, avec des noms que nous avons oubliés. Qui se souvient de la draine (grive draine), de la calandre (alouette calandre), des rousseroles, des cochères ? Qui a connu le mouchet traînebuisson (un passereau)?

Dans Que ma joie demeure, Jourdan et Bobi donnent du grain aux oiseaux. Marthe regarde les oiseaux s’égayer dans les graines, jouer, s’ébrouer, et sa rêverie nous emmène au loin, à travers les prairies, à travers les saisons et les rythmes du temps.

            « Elle voyait des loriots. Elle pensait au vent d’ouest. Parce que les loriots viennent toujours mêlés aux bourrasques.  Elle voyait des rousseroles. Elle pensait à la rivière Ouvèze couchée au fond de sa vallée fauve et dans les joncs dansent les nids de rousseroles.

            Elle voyait des calandres avec les taches de rouille. Elle pensait aux fins d’été, à la touffeur des éteules, aux gémissements de la terre, aux bruits de chars, à l’envie de boire, aux landes beurrées de soleil.

            Elle voyait des roitelets, verts, gris, ailes noirs et crête d’or et, au lieu de coninuer à voir les roitelets elle voyait et elle respirait les bruyères, les herbes de la montagne, elle entendait la descente des troupeaux et la voix des pâtres.

            Elle voyait des geais et des rolliers, des perdrix, des cailles – car maintenant tous les oiseaux du plateau s’étaient appelés – des mouchets traînebuisson, des mésanges grises, des cochères à tête bleue, des chardonnerets et une sorte d’oiseau qu’elle connaissait bien et dont le nom était l’oiseau-silencieux. Il ne chantait jamais, même au temps de l’amour.

            Chaque fois que toute la bande s’épanouissait autour du tas de graines, une fleur de plume s’épanouissait aussi dans Marthe mais elle avait des ailes de vent, de plaines et de montagnes, des yeux de soleil, le ventre bleu du soir dans la campagne et le bruissement de tous les insectes des prés. »

Plus loin, c’est l’été, la chaleur est partout et Giono, sensible au mouvement de la vie dans chaque bocage, au fond de chaque étang, nous le décrit, ou l’imagine.

            « Le monde avait de plus en plus besoin de vie. Les petits oiseaux quittaient les nids où il faisait trop chaud. Ils se posaient sur les branches pour la première fois de leur vie. Ils essayaient de dormir, mais, dès qu’ils fermaient les yeux, ils perdaient l’équilibre, ils tombaient en battant éperdumment des ailes, et un peu de fraîcheur caressait leur poitrine sous le duvet. Alors, ils apprenaient tout d’un coup combien voler était splendide pour le corps et pour la joie, et ils s’en allaient d’un arbre à l’autre, et même dans de grands espaces sans arbres ; la sensation délicieuse de fraîcheur de l’air remué par les ailes leur donnait de l’audace, ils s’élançaient tout droit vers les profondeurs du ciel jusqu’au moment où, ivres de peur et du vertige de voir chavirer sous eux la terre chargée de champs verts, ils s’écroulaient comme une pluie de pierres en poussant des cris.

            Les abeilles et les mouches à ventre rouge, jaune et bleu étaient en adoration autour des mélèzes dont les troncs et les branches étaient tout suintants de la grande sève de l’année. (…)

            De plus en plus, les routes des bêtes s’entrecroisaient dans le jour et dans la nuit, à travers la lande et la forêt. Le feuillage des buissons ne s’arrêtait plus de trembler sans vent, traversé par le renard, la belette, la fouine, le rat, ou les ailes pelucheuses de la chouette. Les chauve-souris étaient sorties de cavernes. (…)

            Toutes les variétés de sauterelles étaient sorties. Toutes les variétés de fourmis étaient vivantes. Toutes les variétés de papillons vivaient, toutes les mouches, tous les scarabées. (…) »

Dans Le Chant du monde, le fleuve, fougueux par nature, est un véritable personnage. Antonio, Bouche d’or, l’homme du fleuve dont les épaules sont devenues « dans l’habitude de l’eau, comme des épaules de poisson », s’y plonge et le traverse par tous les temps; temps de pluie, temps de crue. « C’était toujours un gros moment pour Antonio. Il avait regardé tout le jour ce fleuve qui rebroussait ses écailles dans le soleil, ces chevaux blancs qui galopaient dans le gué avec de larges plaques d’écume aux sabots, le dos de l’eau verte, là-haut au sortir des gorges avec cette colère d’avoir été serrée dans le couloir des roches, puis l’eau voit la forêt large et étendue là devant elle et elle abaisse son dos souple et elle entre dans les arbres. Maintenant, c’était là autour de lui. Ça le tenait par un bon bout de lui. Ça serrait depuis les pieds jusqu’aux genoux. »

« Tous les matins Antonio se mettait nu. D’ordinaire; sa journée commençait par une lente traversée du gros bras noir du fleuve. Il se laissait porter par les courants; il tâtait les nœuds de tous les remous; il touchait avec le sensible de ses cuisses les longs muscles du fleuve et, tout en nageant, il sentait, avec son ventre, si l’eau portait, serrée à bloc, ou si elle avait tendance à pétiller. De tout ça, il savait s’il devait prendre le filet à grosses mailles, la petite maille, la nacette, la navette, la gaule à fléau, ou s’il devait aller pêcher à la main dans les ragues du gué. Il savait si les brochets sortaient des rives, si les truites remontaient; si les caprilles descendaient du haut fleuve et, parfois, il se laissait enfoncer, il ramait doucement des jambes dans la profondeur pour essayer de toucher cet énorme poisson noir et rouge impossible à prendre et qui, tous les soirs, venait souffler sur le calme des eaux un long jet d’écume et une plainte d’enfant. »

« Ce matin, il y avait un peu de gel dans l’herbe. L’automne s’était un peu plus appuyé sur les arbres. Des braises luisaient dans les feuillages des érables. Une petite flamme tordue échelait dans le fuseau des peupliers. L’étain neuf de la rosée pesait à la pointe des herbes. »

Antonio le costaud qui ne craint rien va donner un coup de main à Matelot. Tous deux partent à la recherche du besson, le fils de Matelot, qui a disparu depuis plus de deux mois, après avoir descendu le fleuve avec un radeau de troncs d’arbre. Ils émergent de la forêt de nuit : « l’odeur des mousses se leva de son nid et élargit ses belles ailes d’anis. Une pie craqua en dormant comme une pomme de pin qu’on écrase. Une chouette de coton passa en silence, elle se posa dans le pin; elle alluma ses yeux. »

Le roman se poursuit en véritable thriller, haletant entre le fleuve et les collines, parmi les villages, les guérisseurs et les légendes familiales, sous le son des trompes et des appels des gardiens de taureau. Nos deux personnages quittent le confort de leur vallée, s’aventurent en territoire ennemi, rencontrent moult personnages hirsutes ou moyenâgeux et se glissent de nuit pour percer le mystère en trompant les sens aiguisés des bouviers de la mafia locale de Maudru.

Dans Colline, les hommes blessent ou tuent sans sursaut de conscience, et la nature se venge. Un jour, la source tarit. Puis, la petite Marie est malade. Le vieux Janet, qui agonise chez sa belle-fille, a-t-il jeté un sort sur le village ? Un chat noir a été vu, les superstitions vont bon train. Puis un beau jour, le feu dévastateur se déclare dans les collines. « C’est un bel après-midi. Le galet de lune roule sur le sable du ciel. Cependant, du côté de Pierrevert, une insolite brume rousse monte. » Inexorable, le feu approche, menace le village. Les villageois se retrouvent, les dissensions s’effacent, pour lutter contre l’incendie et sauver les maisons, les cultures.

« De la cime, l’étendue des bois brûlés se révèle, immense : un tapis noir, tout scintillant de braises et qui s’élargit jusqu’aux abords d’un village qu’on n’avait jamais vu, de là, quand les arbres étaient hauts, et qui luit, maintenant, comme un os décharné.

Ça, c’est un côté de ce qu’on voit.

De l’autre côté, c’est encore douillet, tout fourré d’herbes et d’olivaies; une combe comme l’empreinte d’un sein dans l’herbe; au milieu, les Bastides et, près des maisons, une petit tache blanche qui bouge: peut-être Babette, Ulalie, Madelon, Marguerite ? Ou, plus simplement, la plus jeune fille d’Arbaud qui joue sur la placette.

Le feu monte. »

Le feu est vaincu, le vieux Janet est mort, la source rejaillit. Le village va revivre, panse ses plaies. Gagou le simplet est tombé victime des flammes… l’amant discret d’Ulalie; au moins elle, le pleurera. Quant à Arbaud : « il lui prend soudain le doux désir de s’abandonner dans le vent du destin comme dans une bourrasque qui colle aux reins et emporte. Un peu de repos ! Du repos, et des seuils chaud pour boire le soleil et fumer la pipe ! »

Regain. Un village déserté, par les vieux comme par les jeunes. Seule, une vieille femme, d’origine piémontaise, ayant perdu mari et fils: la Mamèche, un peu folle, un peu sorcière. Et Panturle, bon gaillard très seul, un peu rustre mais encore dans la fleur de l’âge, qui chasse la grive et le lapin. Et la source. « A la Font-de-la-Reine-Porque, le bassin de la fontaine est déjà gelé. C’est une fontaine perdue et malheureuse. Elle n’est pas protégée. On l’a laissée comme ça, en pleins champs découverts; elle est faite d’un tuyau de canne, d’un corps de peuplier creux. Elle est là toute seule. L’été, le soleil qui boit comme un âne, sèche son bassin en trois coups de museau; le vent se lave les pieds sous le canon et gaspille toute l’eau dans la poussière. L’hiver, elle gèle jusqu’au cœur. Elle n’ a pas de chance; comme toute cette terre. »

Cet hiver-là est particulièrement rude : « jamais on n’a vu cette épaisseur de glace au ruisseau ; et jamais on n’a senti ce froid, si fort, qu’il est allé geler le vent au fond du ciel. Le pays grelotte dans le silence. La lande qui s’en va par le dessus du village est tout étamée de gel. Il n’y a pas un nuage au ciel. Chaque matin, un soleil roux monte en silence; en trois pas indifférents; il traverse la largeur du ciel et c’est fini. La nuit entasse ses étoiles comme du grain.

Panturle a pris sa vraie figure d’hiver. Le poil de ses joues s’est allongé; s’est emmêlé comme l’habit des moutons. »

La Mamèche se met en tête d’aller chercher femme pour Panturle – pour repeupler le village. Elle attend le dégel et un beau jour… elle disparaît sans dire un mot, après avoir pris soin d’emballer quelques pommes de terre cuites dans un baluchon avec une poignée de gros sel, pour trois, quatre jours de voyage. Panturle est pantois, il se retrouve seul. « Quand même il se retourne vers le sud, lui aussi. Ça a changé depuis la tombée du jour: une force souple et parfumée court dans la nuit. On dirait une jeune bête bien reposée. C’est tiède comme la vie sous le poil des bêtes, ça sent amer. Il renifle. Un peu comme l’aubépine. Ça vient du sud par bonds et on entend toute la terre qui en parle.

Le vent du printemps ! »

Pour terminer cet hommage à la magie de la langue gionesque, quelques notes tirées d’un petit recueil de contes, Le noyau d’abricot. Giono affectionnait les Mille et une nuits et les ambiances à la Shéhérazade qui l’ont beaucoup inspiré ainsi que les classiques grecs et latins. Ayant lu Simbad le marin dans une feuille de chou littéraire pendant la guerre, il s’essaye aux contes et aux poèmes qu’il publie dans les journaux alors qu’il est employé de banque à Manosque. Ces petits contes sont des trésors de sensations, couleurs, odeurs, sensualité… Le buisson d’hysope imagine l’épopée d’un collier de noyaux d’olives, par delà les mers, depuis les terres outre-méditerranéennes, jusqu’à la Provence. Quelques extraits savoureux : « ses longs cheveux pareils à la pluie nocturne cachaient sa sombre figure. Nue jusqu’à la ceinture, elle avait pour seul ornement un long collier de noyaux d’olives. » La belle Elme, fille d’un seigneur dans un donjon sur la « route qui monte de la mer aux Alpes », rêve de ce collier. Alors, « trois jeunes soldats résolurent de partir pour les lointaines contrées et de rapporter à la demoiselle le collier dont elle était férue. Ils résolurent cela parce qu’ils l’aimaient – Elme la douce, le repos des yeux chargés de massacre. C’étaient Magnau aux muscles ronds; Gaubert au cœur éteint et Espitalier dont les pieds étaient plus agiles que ceux du vent. » Des trois, deux connurent des obstacles mortels, le troisième, de retour enfin par un soir d’été – « Vénus esplendissait dans la vapeur verte qui flotte au bord de la nuit » – tombe d’épuisement en remettant le collier à la belle. Celle-ci, dépitée d’avoir causé tant de morts… jette les noyaux d’olive par la fenêtre du donjon, sur la terre de Provence, dans laquelle ils prirent racine.

Voici quelques humeurs, jolis sonnets, chants de la vie, hymnes au monde, quelques lignes ivres de liberté tirées de mes lectures de Giono. Comme un fil d’or je les ai attrapées, puis tirées doucement, avec précaution, avec douceur, avec tendresse. Sans rien défaire du récit, juste pour le plaisir, comme on inspecte l’intérieur de la galette pour deviner si un rebondi plus marqué, une couleur qui se démarque de la frangipane, le choc mat du couteau sur une matière plus dure, trahissent la présence de la fève. Avec ces impressions j’espère vous avoir donné envie de lire ou de relire Giono !

(c) DM

Epoques

Une porte se ferme

D’autres s’ouvrent

La Vie est portes, fenêtres et poignées

Charnières, passages en courants d’air

Volets ouverts ou fermés

Petits moments volés à la table d’été

Loquets rouillés,

Suintement de suie par la cheminée

Au Jour, les vaguelettes polissent nos coeurs usés

A la Nuit, le Destin s’apaise et l’inconscient se nourrit du présent

A tâtons, dans le Clair-obscur,

Nous poussons des portes et ouvrons des fenêtres

Asphyxiés par l’air renfermé de la maison secrète,

Les scènes de déjà-vu, les pincements de coeur, les nostalgies aigües…

L’air étouffe au-dedans et oppresse au-dehors !

Les dédales d’escaliers et de couloirs se succèdent –

On ne reconnaît pas les lieux :

Par où sommes-nous donc passés ?

Les doigts, agiles, tournent des poignées, lisses ou carrées,

Ecorchent les toiles d’araignée

Nos yeux sont embués par la Pluie

Le bout de nos doigts, hypersensibles,

appréhendent le réel

Scintillants comme des antennes

et sensibles au moindre frôlement

Nous effleurons les portraits des âmes aimées

A la recherche d’un signe ou d’un retour fugace

« Comment en être arrivé à renier cela, à prendre ce tournant, ne pas voir celui-là ? »

Les placards se taisent et les tiroirs muets,

Gueules béantes, à moitié seulement

délivrent leurs secrets.

Le Secrétaire est resté ouvert,

un porte-plume à l’encre séchée,

une lettre d’amour inachevée…

Dans la cuisine, bien rangée,

deux casseroles de cuivre brûlées

Quelques miettes sur la toile cirée

A la Cave un grand escalier

dont nous connaissons une à une les marches

leur largeur, leurs aspérités,

et le dernier échelon cassé

Le soupirail distille un peu d’air fané

Au Grenier, l’odeur de sable, de pastèque et de fumée

Des vieilles malles au cuir doré, mal scellées,

Dégorgent de quelque robe à l’odeur de bière, au fumet du passé,

quelque photo endimanchée

Mais notre coeur frénétique

fouille encore les coins cachés des choix, des absences, des inconscients désespérés

des attirances et inimitiés, trahisons, échéances et espérances

Et craquent les lames du plancher,

Et tombent quelque écailles de plâtre coloré…

Les chambres sont tranquilles,

Certaines dans une paix immobiles

Un rayon de soleil, par les persiennes,

joue avec la tenture du lit…

D’autres, un tantinet agitées

tressautent encore d’un cinéma muet

dont nous connaissons bien les paroles,

mais avons oublié le dénouement

Jusqu’à trouver la chambre,

où tout se résout,

tout se termine…

Le Salon, doux et écorné –

tendres paroles sous le plafonnier –

et la Table sous le platane

Où se tinrent tant de déjeuners

La Salle-à-manger rustique

où le couvert déjà mis, classique

sous l’oeil des portraits de famille

nous fait un clin d’oeil hiératique

Dans la salle-de-bains victorienne

rôdent des nudités exquises

dansent des abandons et des provocations,

des défiances insoumises…

Et sur le chemin de gravier,

quelques pommes sures ont tombé

l’appentis est mal fermé

les charnières du battant déglinguées

Les réserves de bois, bien étagées

et les outils sont rangés

Et tout au bout du jardin, ô surprise

Parmi les ronces et les cerises,

un vieux ballon crevé nous sourit …

(c) DM

Note : la Vie est choix perpétuel, parfois conscient, souvent inconscient

Et tout ce qui ne s’est pas fait a fertilisé nos projets,

nos amours, notre avenir

et nos aspirations les plus intègres et néanmoins les plus dures à manifester

Ce poème est une ode aux choix évincés, aux non-dits, aux non-choix, à nos désirs, à nos regrets, et à tout ce qui nous a faits et défaits….

Il était une fois…

C’est l’histoire d’un lutin des prés
Qui aimait gambader
Tout joli joli

Tellement joli que tout un chacun
Voulait se l’approprier

Lui ne pensait qu’à courir
Libre comme un papillon
Et butiner de ses doigts dorés
La nature en ses bienfaits

Autour de lui sans y penser à mal
Tous les animaux des bois, des prés et des marécages
Et même tout lointain là-bas au pays de l’En-Mer
Et au-delà dans les savanes et les cîmes enneigées
Le voyant passer, voulaient l’attraper

« Oh joli lutin des prés des prés
viens par ici que je te touche, que tu me souries
que je t’attrape et te caresse
que j’entende ta voix enchantée
et ton rire ruisseler comme des goutelettes nacrées
de tes jolies petites dents je veux sentir la morsure
de ta peau de velours je veux toucher la douceur
de tes jolis petits yeux de perle
je veux comprendre le regard
je veux grandir à tes côtés
te tenir fort, te retenir ! »

Or le petit lutin voulant faire plaisir
souvent se retrouva pris au piège
car il aimait sincèrement
tous ceux qu’il rencontrait
la chouette hulotte et le faon
la fourmi et le renard
le chat et l’araignée
et les mouches et les éléphants

et aussi ses confrères humains
le peuple des élémentaux
petits lutins de la forêt
fées, elfes et farfadets

Alors de temps en temps, il s’arrêtait dans une hutte
dans un champignon-maison
sous une frondaison
dans les branchages ou dans un palais
partout où logeaient ses amis

Il parlait, il rassurait, il comblait et se laissait combler
On le nourrissait, on lui chantait des chansons
on le gâtait de toutes sortes
si bien qu’il y prenait goût aussi

Mais il ne se rendait pas compte
Que même chez les gens bienveillants
Il y avait des pointes d’envie
On voulait lui voler son aise,
On enviait sa décontraction
La chance qui lui souriait dans la vie
Parce que tout lui réussissait
Car lui qui avait un bon rapport à tout le monde
Ne se faisait pas d’ennemi
Mais son ennemi c’était l’envie
On voulait lui soutirer sa parole,
Sa lumière, ses longues jambes,
Sa liberté, son air auspicieux,
Son aise et sa prestances gracieuse
Sa loquacité, son audace,
Et son caractère généreux,
Sa joie de vivre et son maintien,
Bref tout ce qui lui appartient

Et bientôt sans s’en rendre compte
Car en surface tout était gai,
Il songea de tristes pensées
Des idées noires et maléfiques
Des désirs morbides et des oeuvres sataniques
Car en fait c’étaient le flux
Des envies et des jalousies
Des ombres noires et des manigances
Qui finalement l’atteignaient
Et ternissaient son apparence

Tant et si bien qu’un jour il vit
Clair comme une flamme pure
Qu’il y avait perdu son âme
Et laissé échapper le sens de sa vie

Alors le petit lutin un peu triste
Se retira dans son manoir
Sous la mousse du grand chêne
Il médita, médita, médita longuement
Chanta des psaumes et se fit des onguents
Pria le ciel et tous ses éléments
Il pleura beaucoup, rumina
Et même parfois voulut mourir
Il se dit c’est bien dommage
Que sur cette magnifique Terre
Chacun ne puisse à son avantage
Avancer comme il peut et faire taire
En soi ses mauvais élans
Plutôt consacrer son temps
A faire prospérer ses talents
Par pour soi seulement
Mais aussi pour les autres
Pour contribuer à vivre ensemble
Dans une société où chacun a la place
Qui lui est impartie à la naissance
Avec cette part d’acceptance
Et de résignation, mais aussi d’optimisme
Et de joie d’être vivant
Que cela simplement comporte

Pour sa part, il réfléchit sur le sens de sa vie
Se réappropria ses désirs
Et voulut tout recommencer
De zéro, mais différemment
Il apprit qu’en se dispersant
Il avait creusé des sillons
Élargi des failles sans le vouloir
Dans la carte de sa destinée
Affaibli son chemin de Vie
Laissé entrer ce qui ne devait pas
Et laissé s’envoler le fil d’or
qui constituait son bonheur

Alors il prit la résolution
De n’écouter plus personne
Que de sa petite voix la chanson
De reprendre ses pérégrinations
Mais sans trop s’écarter de son chemin
Et tant pis pour tous ceux qui râlent
Qui lui fairaient des grimaces sur le bord du chemin
Ou qui seraient déçus
Car cette fois-ci il ne s’arrêterait plus
Ou très peu, seulement
Pour une poignée de main, un baiser, une rencontre
Mais sans s’attarder, tout en faisant le bien
Là ou il le pourrait
Et même les plus heureux
Ou les rois tout-puissants
N’y prêter que peu d’attention
Mais en gardant toujours à l’esprit
Que le plus important pour lui
Était de préserver son trésor
Celui qui ne se partage qu’au compte-gouttes
Par peur de le voir se ternir
De le voir démolir et avilir
Si on le sort devant tous les yeux
Y compris ceux des envieux

Alors il y eut de difficiles décisions
Des reculs, des adieux, des partitions
Et petit à petit au fond de lui
La clochette enchantée se remit à résonner
Ding, ding, dong
Trois petits coups pour lui redonner
L’envie de chanter et de danser
Et de courir de par les prés
Guilleret et d’offrir au monde
Ses chansons et ses oraisons
Ses prières et sa gaité
Sans plus se soucier
De ceux qui l’entendraient d’une mauvaise oreille
Il irait chez ceux qui ne trahissent point
Et chercherait des alliés parmi les Authentiques
Ceux dont le cœur pur est toujours là pour servir
Ceux qui ne renient point les atouts
Que leur a donnés la vie
Et ne se trompent point de combat
Et savent partager la joie
D’être là d’abord pour soi,
Et ensuite pour les amis,

Mais quand on dit toujours…
c’est tous les matins et tous les jours
de la sainte vie que l’univers nous octroie
et dont le monde nous bénit
Soirs et matins et encore les nuits
Fidèles à cette nature enfantine
Qui reste maître en la demeure
Qui constitue notre essentiel
Et que trop, lâchement, laissent tomber.

« Sortir du capitalisme »

C’est la seule bonne nouvelle que Macron pourrait offrir à la France.

Oui, mais comment ? 

Saura-t-il renier sa caste (les banquiers) , et affirmer la prééminence du collectif sur le dogme du « profit » et de la « croissance » (qui profitent toujours aux mêmes) ? 

Est-ce que la France – patrie des droits de l’Homme, terre de migrations, de la Révolution française et des Lumières – saura une fois de plus être l’inspiratrice, le guide, celle qui prend le taureau par les cornes, et qui dans un sursaut ose enfin remettre en question, de manière très concrète, ce système qui de par le monde est en faillite et ne crée que de plus en plus d’inégalités sociales ? Sans retomber dans un autre « isme » ? Et inspirer d’autres nations à tendre vers un nouvel ordre, une nouvelle pensée, un mode de fonctionnement alternatif ? Voilà une option qui nous remettrait dans le cours de l’Histoire et redonnerait à notre pays toute sa justesse et sa grandeur. 

Peut-on prendre le parti de ce qui se passe aujourd’hui en France pour opérer un changement de direction et initier une nouvelle société où chacun peut vivre de ses talents et vivre dans l’abondance – matérielle, affective, spirituelle – tout en restant dans la sobriété ? Où chacun modère ses désirs et sa consommation, pour faire émerger le « vivre ensemble » ? 

Mais aussi est-ce que chacun, individuellement, est prêt à faire le pas, à changer ses modes de vie, c’est à dire à consommer moins, mieux, vivre modestement, arrêter la course aux dernières technologies, arrêter de changer de voiture tous les 2 ans, arrêter d’acheter des choses emballées dans du plastique et des nourritures industrielles, de prendre des crédits conso, arrêter d’acheter le poulet le moins cher (celui qui a été élevé en batterie), de se précipiter chez le médecin et à la pharmacie consommer des médocs dès qu’on a un petit bobo (et plutôt prendre en main sa santé), s’approcher du zéro déchets, arrêter d’acheter des broutilles en ligne, arrêter de se précipiter dans la foire à la consommation de noël (et plutôt offrir des choses signifiantes et gratuites, comme : du temps, de l’attention, un sourire, une réconciliation, ou des petites choses dont nous avons perdu le sens de la valeur – comme au tan lontan comme on dit à la Réunion ! – une mandarine, une branche de sapin enneigée, une merveille dont la nature qui nous entoure abonde…), vider nos boîtes e-mails, sms et nos conversations whatsapp (le stockage de données web ou cloud utilise des quantités astronomiques d’énergie, des immenses serveurs installés dans le désert aux Etats-Unis), arrêter de regarder la télé – toutes choses qui font vivre cette société capitaliste que l’on décrie tant ?

Est-ce que nous serions prêts, nous les plus aisés, à sacrifier un tout petit peu de notre bien-être, nos voyages en avion, nos agitations incessantes en voiture, nos dépenses excessives, (je dis « nos » mais personnellement je m’y attelle depuis plusieurs années déjà), nos fringues et nos chaussures, nos économies et nos comptes en banque que nous emporterons dans la tombe… pour revenir à un mode de vie plus simple et commencer à rééquilibrer un peu la société, en faveur de ceux qui n’ont rien ?

Est-ce que nous accepterions de vivre avec les effets d’une réduction des dépenses publiques inutiles, telles que des ronds-points de plus en plus mégalo, des panneaux, des réfections de chaussées alors qu’elles sont encore en état correct, des subventions pour un oui pour un non, des trottoirs, des ralentisseurs (est-ce que nous accepterions de rouler un peu moins vite, afin que les communes n’aient pas à construire de ralentisseurs…) , des parkings (que l’on nous fait payer à construire, puis payer à utiliser ensuite) , bref appliquer la sobriété aussi aux dépenses publiques ? 

Exiger de nos députés qu’ils demandent et obtiennent qu’un réel pouvoir soit donné aux rapports de la Cour des Comptes – qui chaque année fait un travail réellement indépendant et met en lumière des dépenses inutiles ou mal gérées et d’innombrables dysfonctionnements de l’Etat ? Arrêter de (se) mentir sur la santé publique et mettre en pratique, pour de vrai, le principe de précaution (en ce qui concerne la pollution, de l’eau, de l’air, par les pesticides, les antibiotiques, les ondes électro-magnétiques, les pénuries à venir) et reprendre notre pouvoir de PENSER PAR NOUS-MÊMES, individuellement et collectivement ?

Est-ce que nous pourrions arrêter de râler pour tout ce qui ne va pas, accusant le ciel et la terre, nos parents, nos enfants, nos ex-, nos voisins, la commune, l’Etat, les étrangers, etc. de tous nos maux, et nous souvenir que la vie n’est pas un lit de pétales de roses et que chacun traverse son lot de galères, et recevoir ces galères comme les bons moments avec le sourire ou tout au moins avec grâce, accepter son destin et se prendre en mains c’est aussi accepter sa part de galères – nos aïeux ont eu des destins autrement plus difficiles avec les guerres et les privations – sans que ce soit toujours « la faute à quelqu’un », et parce qu’il est juste d’exprimer sa colère mais cela doit se faire dans le respect ! Recevoir gracieusement, les galères comme les réussites, car les deux sont les deux faces d’une même histoire… et les deux ont des messages cachés dont nous pouvons tirer bénéfice pour faire grandir nos vies.

Se retrouver, être ensemble, se respecter, s’écouter ? Est-ce que nous accepterions de ralentir, au lieu de chercher à aller de plus en plus vite, utilisant des autoroutes qui coûtent des fortunes et enrichissent les mêmes en péages, prenant les badges ceci, les abonnements cela, de plus en plus, toujours de plus en plus… STOP ! Vous êtes complices. Nous sommes tous complices, à un certain degré… Le consommateur détient un pouvoir unique – celui de consommer ou de ne pas consommer – utilisez-le !

Ecoutons les voix comme celle de Pierre Rabhi, Susan George, Ivan Illitch, Boris Cyrulnik, que sais-je encore (ajouter les vôtres dans les commentaires !) et discutons ensemble de la transition vers un nouveau mode de fonctionnement, économique, social, individuel, collectif.

Et pour commencer, engranger un vrai débat démocratique sur ce qui est vraiment important à l’humanité – si tant est que nous voulions la maintenir… Enfin, est-ce que nous sommes prêts à remettre en question le travail salarié – véritable esclavage moderne dans certains cas – et créer et vivre de nos activités d’entrepreneurs (pourvu que les taxes, la TVA, les impôts baissent) plutôt que de vivre au crochet de la société par le chômage, les allocations, lorsque l’on est dans la fleur de l’âge et que l’on devrait offrir sa contribution à la société par son travail, plutôt que l’alourdir et la rendre exsangue ? En maintenant ces bénéfices pour ceux qui en ont vraiment besoin : les malades, les plus pauvres, les plus âgés ?

Et tout cela, dans le respect de nos histoires respectives, sans couper de têtes mais en offrant à chacun le défi d’un monde meilleur, à relever et à construire. Avec un peu de positivisme s’il vous plaît. 

Utopie ? Je crois qu’on y est, cependant. On est devant la porte, elle s’ouvre. C’est un choix devant lequel on ne peut plus reculer. 

One Day

 

One day, il fera clair, la tempête aura disparu

Tu t’assoiras au bord de la falaise,

les yeux clignant devant la beauté du monde

à laquelle tu auras enfin accès

 

Le cœur battant,

Tu entendras les étoiles filer en toi

Glisser comme une magie bienheureuse

 

Les accès se tairont, les voix se feront douces

En toi seul l’entendement règnera

 

Il y aura des villes, il y aura des promesses

Il y aura des enfants au regard aiguisé

Des sirènes, des montagnes de bricoles

 

Il y aura aussi la foi et la splendeur

Le regard sidéral de l’univers

Ancré en chacun, imaginé et réel

Indissociable de la fraternité

 

Et les glorieux traits de la vie emmêlée

Au chuchotement des cœurs

Guéris, épanouis.