Une porte se ferme
D’autres s’ouvrent
La Vie est portes, fenêtres et poignées
Charnières, passages en courants d’air
Volets ouverts ou fermés
Petits moments volés à la table d’été
Loquets rouillés,
Suintement de suie par la cheminée
Au Jour, les vaguelettes polissent nos coeurs usés
A la Nuit, le Destin s’apaise et l’inconscient se nourrit du présent
A tâtons, dans le Clair-obscur,
Nous poussons des portes et ouvrons des fenêtres
Asphyxiés par l’air renfermé de la maison secrète,
Les scènes de déjà-vu, les pincements de coeur, les nostalgies aigües…
L’air étouffe au-dedans et oppresse au-dehors !
Les dédales d’escaliers et de couloirs se succèdent –
On ne reconnaît pas les lieux :
Par où sommes-nous donc passés ?
Les doigts, agiles, tournent des poignées, lisses ou carrées,
Ecorchent les toiles d’araignée
Nos yeux sont embués par la Pluie
Le bout de nos doigts, hypersensibles,
appréhendent le réel
Scintillants comme des antennes
et sensibles au moindre frôlement
Nous effleurons les portraits des âmes aimées
A la recherche d’un signe ou d’un retour fugace
« Comment en être arrivé à renier cela, à prendre ce tournant, ne pas voir celui-là ? »
Les placards se taisent et les tiroirs muets,
Gueules béantes, à moitié seulement
délivrent leurs secrets.
Le Secrétaire est resté ouvert,
un porte-plume à l’encre séchée,
une lettre d’amour inachevée…
Dans la cuisine, bien rangée,
deux casseroles de cuivre brûlées
Quelques miettes sur la toile cirée
A la Cave un grand escalier
dont nous connaissons une à une les marches
leur largeur, leurs aspérités,
et le dernier échelon cassé
Le soupirail distille un peu d’air fané
Au Grenier, l’odeur de sable, de pastèque et de fumée
Des vieilles malles au cuir doré, mal scellées,
Dégorgent de quelque robe à l’odeur de bière, au fumet du passé,
quelque photo endimanchée
Mais notre coeur frénétique
fouille encore les coins cachés des choix, des absences, des inconscients désespérés
des attirances et inimitiés, trahisons, échéances et espérances
Et craquent les lames du plancher,
Et tombent quelque écailles de plâtre coloré…
Les chambres sont tranquilles,
Certaines dans une paix immobiles
Un rayon de soleil, par les persiennes,
joue avec la tenture du lit…
D’autres, un tantinet agitées
tressautent encore d’un cinéma muet
dont nous connaissons bien les paroles,
mais avons oublié le dénouement
Jusqu’à trouver la chambre,
où tout se résout,
tout se termine…
Le Salon, doux et écorné –
tendres paroles sous le plafonnier –
et la Table sous le platane
Où se tinrent tant de déjeuners
La Salle-à-manger rustique
où le couvert déjà mis, classique
sous l’oeil des portraits de famille
nous fait un clin d’oeil hiératique
Dans la salle-de-bains victorienne
rôdent des nudités exquises
dansent des abandons et des provocations,
des défiances insoumises…
Et sur le chemin de gravier,
quelques pommes sures ont tombé
l’appentis est mal fermé
les charnières du battant déglinguées
Les réserves de bois, bien étagées
et les outils sont rangés
Et tout au bout du jardin, ô surprise
Parmi les ronces et les cerises,
un vieux ballon crevé nous sourit …
(c) DM
Note : la Vie est choix perpétuel, parfois conscient, souvent inconscient
Et tout ce qui ne s’est pas fait a fertilisé nos projets,
nos amours, notre avenir
et nos aspirations les plus intègres et néanmoins les plus dures à manifester
Ce poème est une ode aux choix évincés, aux non-dits, aux non-choix, à nos désirs, à nos regrets, et à tout ce qui nous a faits et défaits….