Neige heureuse

 

Il y a une joie secrète à voir arriver la neige

Une joie d’enfance

Une joie de pas feutrés et de soleils timides

Une joie de Noëls en paix

avant la grande Adolescence et ses réveils brutaux

Une joie de petite fille mêlée d’excitation

A voir poindre son nez la saison bien-aimée

Saison des lueurs, des guirlandes et du calfeutrage

Des boules de neige et des gâteaux aux marrons

 

Il y a dans la tranquillité de l’espace blanc une zone de réconfort

Une garantie de survie

Un apaisement des sens

Comme si la couverture ainsi généreusement déployée

Recouvrait tous mes maux et instaurait la trêve

Promesse de renouveau cachée fort à propos

Sous ce voile scintillant

 

Il y a dans le clin d’œil du rayon de soleil

Sur la campagne médusée de silence

Une illumination, éphémère et poignante

Dans l’étonnant jeu de forces au ciel narquois

Trouées bleutées et nuages filant bas

Un radieux message

 

Et dans le soir mulâtre qui s’annonce déjà

Dans les bourrasques dures et dans les yeux des chats

Il y a néanmoins quelque chose d’affable

 

Dans les paquets de neige qui glissent de mon toit

Le désolant goutte à goutte qui marque la fin du froid

Un accord tacite, une pâle consigne

Qui dit que tout est dans l’Ordre des choses

Et qu’il ne tient qu’à nous d’en connaître les Lois.

En passant…

Parce que la vie est ainsi faite : de petits moments inscrits dans le vent, de petits riens qui se tiennent la main. Des instants au parfum sauvage qui nous emportent avec eux; des instants au charme ténu qui se referment comme une huître; de grands moments radieux où le corps et l’âme exultent; des instants tentateurs comme des angelots joufflus qui nous distraient et nous emmènent faire un détour, parfois un long détour… dont on se réveille avec la curiosité de celui qui a fait un rêve pénétrant, ou encore, avec une gueule de bois coriace.

Tous ces instants s’allient et s’entrecroisent, et souvent s’essoufflent tout seuls, car telle est leur nature: de passage; et nous, pauvres humains, nous les fuyons ou nous leur courons après; trop tard, nous réalisons la grâce qui vient de se passer; ou bien nous goûtons et les regardons dans les yeux, avec, déjà, la pointe amère du regret quand s’effiloche la queue de la comète. Nous tentons d’en comprendre le sens, nous aimerions les attraper, les saisir au passage et les collectionner, les disséquer, les analyser, en faire une thèse, une pièce à conviction, les rendre utiles et bêtes.

Ces chroniques de l’éphémère sont prises sur le vif, en passant. En passant dans une ville, dans un jardin, sur une autoroute, chez quelqu’un. En passant car je sais bien que mon regard, et même mes notes, n’en feront guère de plus que quelques petites traces d’oiseaux sur une neige fraiche. Elles sont une célébration de tous ces petits instants qui n’ont l’air de rien mais forment la trame d’une vie.

Regarder ce mouvement à l’ouvrage, adhérer à ses formes multiples, qu’elles soient utiles ou bienfaisantes, incompréhensibles ou violentes, et se laisser pénétrer, contenir, balloter par ces instants comme une barque sur l’océan, n’est-ce pas là ce qui donne de la saveur, de l’honneur, à la vie ?

Car finalement, comme le titre André Brink dans un de ses romans, nous ne sommes qu’Un instant dans le vent…

Raconter

Raconter. Ouvrir la première page comme celle d’un livre et raconter une histoire, son histoire ou l’histoire que l’on porte, comme on la raconterait à ses amis, à ses parents. Se raconter. Y mettre du sien, de la chaleur, de la passion, du cœur, de tout ce qui fait que l’on se sent vibrer. Y mettre de manière généreuse un petit peu beaucoup de soi, c’est s’ouvrir sur le monde, se convaincre que l’on y peut quelque chose, à changer ces ondes autour de soi, à colporter du bonheur, à prescrire un peu de joie, à rencontrer et faire se rencontrer l’humanité. C’est oublier ce moi envahissant qui a peur des autres peur du jugement qui sans cesse se mesure se dépasse se lance des défis et simplement respirer dans l’être soi et faire don de ce soi aux autres.

Voilà comment tout a commencé. Avec quelques propos sur le bonheur, quelques considérations philosophiques. Aller chercher au fond de soi en permanence, se refuser à la médiocrité d’un quotidien « au travers de », en transparence, en surface et sans cesse questionner la paresse de vivre platement.

Rouvrir le flot des émotions de jeunesse, refaire les liens émoussés, relier les ruptures entre elles jusqu’à ce qu’elles ressoudent une perception de soi quelque peu unitaire, apaisée, vaguement unifiée ?