4/8 Mystères et tremblements… des Mourres (Forcalquier) à Manosque

Mystères et tremblements… des Mourres (Forcalquier) à Manosque

Nuit de pleine lune, orbe gigantesque dans un ciel pur illuminant d’une ambiance étrange les silhouettes de calcaire aux contours vivants. Présences fantômatiques qui semblent se mouvoir et se pencher pour frôler le promeneur ou lui susurrer des révélations  mystiques à l’oreille… Cette beauté féerique aux traînées blafardes égaye pour une fois les nuits sans sommeil de Dame Delphine… Rappel à célébrer le mystère, la beauté, l’étrangeté de l’univers qui nous entoure, rappel à notre minusculité devant les grands rouages de la mécanique du ciel, appel à la beauté du secret, à plonger dans le mystère des origines de la Vie, appel à vénérer sans comprendre, à chérir sans saisir, à révérer sans posséder ni déconstruire, ni dominer, ni dépasser… Bob le Jaeger, toujours partant et frétillant sur ses quatre pattes, sera de la partie, tout étonné de cette balade nocturne impromptue; et, au petit matin, poussé par la solitude, l’aviateur K. les rejoint.

Du coup, éclipsé par la toute-magnificence de la pleine lune, le lever de soleil passera inaperçu, tout ce petit monde récupérant une petite heure de sommeil lourd, volant un peu de réconfort au Temps qui passe inexorablement.

Balade un peu à l’aventure, sur description d’un couple croisé au départ du chemin, nous nous lançons dans les collines au parfum de thym vers le Clos de Mély, puis sur les crêtes, puis dans la combe qui redescend trop bas… les marques jaunes au début nous sauvent, puis nous égarent, il fallait sans doute prendre un chemin de traverse pour compléter la boucle. Du coup, les deux heures prévues se changent en trois heures et demies; heureusement que nous avions un peu d’eau avec nous car le soleil commence à taper… Rencontre du troisième type avec un électro-cycliste aussi paumé que nous, qui avec ses équipements sportifs, son sourire béat et sa langue bien pendue semble tombé d’une autre planète, et confirme mes intuitions pour un retour à la case départ à travers la garrigue.

Remontée vers un petit barrage, le long d’une coulée d’eau dont les goulottes calcaires forment des mini-piscines qui invitent au barbotage. Le chien s’y jette tel un condamné sur sa dernière pitance, suivi de Dame D. qui bénit autant que lui l’occasion de se rafraîchir… Fin de balade en mode déshabillé histoire de sécher à l’air pur et au soleil, nous traçons notre chemin à la sauvage à travers les buissons, en suivant parfois les sentiers des bêtes et le pifomètre, le tout nous ramenant finalement (habillés) au site des Mourres où est garé notre sweet home mobile.

Pic-nic au plan d’eau des Buissonnades à Oraison, une base de loisirs de l’autre côté de la Durance, qui s’avère pas si touristique de ça, en tous cas pas à cette saison ni à cette heure. La baignade est à nouveau bienvenue dans l’eau fraîche et limoneuse, suivie d’une douche et même d’un lavage de cheveux au savon de Marseille pour les plus braves. Champs de courges gigantesques à la sortie du plan d’eau !

Départ pour Manosque, petit tour dans la  vieille ville où nous prenons (encore) à la sauvette un apéro sur une terrasse, bière et pastis. La serveuse du café est aux aguets, la « Nationale » rôde, car s’ouvre ce soir un festival littéraire sur l’une des placettes haut perchées de la ville, pas loin du centre Jean Giono sans doute (que nous ne visiterons pas). Et dans un magasin de vélo, on trouve même une rustine à vingt heures pour réparer l’un des matelas de camping percé !

Renseignements pris, nous montons au Col de la mort d’Imbert au-dessus de Manosque pour y admirer le ciel rougeoyant au coucher du soleil et trouver un spot pour crécher. Ambiance compacte et mystérieuse, forêt de pins et chênes, ombres foisonnantes, route sinueuse et déjà impressionnante de bruissements crépusculaires. Plus loin, le bord de route est clôturé, des panneaux nous intriguent : « quittez la zone si vous entendez des grondements comme un moteur d’avion », mais de quoi s’agit-il ? En arrivant sur une grande épaule au-dessus du col – d’où la vue est effectivement sublime, vers l’est, l’ouest, le sud et le nord – nous sommes seuls, circonspects, à l’affût de tout signe suspect. Nous observons plus bas, dans les replis des vallées et aux pieds des falaises, les lumières qui  s’allument et clignotent une par une, révélant des villages, des routes et des villes, mais l’ambiance de film de science-fiction continue de flotter dans l’air saturé de vermillons et de violets. On s’attendrait presque à voir surgir une soucoupe volante et à la diriger pour qu’elle atterrisse sur ce maigre bras de montagne… Le suspense fait battre nos cœurs et tourbillonner nos pensées, malgré la beauté incandescente du ciel qui s’éteint.

Il ne s’agit que de quelques secondes avant que notre questionnement ne devienne plus inquiet… Nous avisons un spot sous un maigre pin battu par le vent du nord; il fait alors nuit noire. Tandis que le moteur s’éteint et que tout bruit, lentement, se pose, à part celui des bourrasques qui malmènent les bosquets, par trois fois retentissent des grondements qui semblent surgir du fond de la Terre et font vrombir les collines, comme si un monstre caché, dragon apocalyptique, faisait trembler les entrailles du monde. Silence… Puis la séquence se répète, cinq ou six fois, d’une seconde à peine chaque fois. Pris de court, et en l’absence d’une explication rassurante, nous décidons de redescendre en vitesse, un peu angoissés par cette ambiance orwellienne de fin du monde. Nous élisons domicile pour la nuit dans un goulet plus ou moins en impasse au-dessus des dernières habitations de Manosque… Bivouac égayé par le braiement des ânes et quelque berger tardif qui passe avec trois chiens tenus par une ficelle mais prêts à en découdre.

Nous aurons le fin mot de l’histoire de lendemain. 

Publié par

àtoutallure

aventurière de l'esprit

2 réflexions au sujet de “4/8 Mystères et tremblements… des Mourres (Forcalquier) à Manosque”

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