Poésie des cargos

Cargos, monstres marins qui flottez

sur un monde post-diluvien

qui vous ressemble et que vous animez

de votre présence hiératique

Portes ouvertes sur l’horizon,

sur des lointains chargés de fantasmes,

d’impressions fortes et d’odeurs écœurantes

Le cargo me touche,

le cargo roule et tangue et fait tanguer mes rêves

Le cargo évoque d’autre rivages, d’autres visages

posé là avec ses containers

sa tourelle et son ancrage

en attente d’un acconage

Morceaux choisis et résumés de vie

empilés, amassés, imbriqués tel un jeu pour enfant

conteneurs d’ananas, journaux, meubles et ferrailles

pièces de véhicules, machines à laver, papayes

cartes postales d’un autre temps, d’un autre univers

sous d’autres tropiques et d’autres latitudes

Edifices aux couleurs de rouille

vous voguez, impérieux

au sommet des crêtes et dans le creux des houles

indifférents aux hurlements du vent,

à la furie destructrice de l’océan,

sereins sur les mers d’airain

Parfois à l’abri d’une rade,

en l’attente d’une cargaison,

d’un accostage, d’une nouvelle balade,

vous affourchez, imposants et altiers,

et dans la flamme du jour qui s’estompe,

vous faites miroir aux milles facettes

reflétant les facéties du couchant

Véritables empires flottants

dont les coursives le soir s’illuminent

rappelant que vous êtes aussi une ville

où rient, chantent et boivent des humains

vibrante de leurs espoirs et de leurs tragédies

Quelles sont ces vies que vous portez ? 

Et celles que vous desservez ? 

Quels trafics, quels déménagements,

quel besoin pour les humains

depuis le début des temps

d’échanger et de commercer ? 

Vous êtes posés là, hauts comme des immeubles

énormes et immuables,

et pourtant dérisoires comme tout puissant

qui ignore encore sa déchéance certaine…

Vous évoquez des ports aux structures métalliques

où s’échangent des femmes et des coups de couteaux

des cités des pays aux consonances exotiques,

déserts, détroits, glaciers ou lagunes

des lignes de côte aux contours poétiques

sublimés par notre inconscient voyageur

Dignes d’une aquarelle, d’un trait de pinceau sombre

vous faites appel à nos mémoires communes,

vies antérieures ou gènes ancestraux

portés comme des plaies à l’intérieur de nous

qui n’attendent qu’un clin d’œil pour se libérer

Et une porte s’ouvre, un vent se lève et fait rêver

La poussière s’envole en tourbillons légers

Nous sommes dans un ailleurs de notre psyché

un espace où rien n’ose plus nous entraver

Intouchables, infaillibles,

nous touchons à ces terres lointaines

où tout peut encore être recommencé.

(c) D. Marie

Illustrations : (c) peintures de C. Marie « Vladivostok » et « Helsinki »

Publié par

àtoutallure

aventurière de l'esprit

3 réflexions au sujet de “Poésie des cargos”

  1. voyageuse chimérique,ou s’est posé ton cargo,
    aventurière de la vie, de ma vie,
    je ne te vois plus, ne t’entends plus
    que c’est dur de te penser si loin
    et pourtant si proche
    après le chaos de la ville , le rêve d’une campagne gionèsque
    voila le fatras de la mer, poisseuse d’huile et de pétrole d’un monde en agonie…
    vite de l’air,je Vous en prie !

    J’aime

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