un soir d’automne où le ciel descend
le palais des nations déserté par la foule
des fonctionnaires et des ambassadeurs
s’offrait à moi dans sa solitude poétique
après l’effervescence du jour
dehors, les drapeaux triomphants,
insolents dans l’obscurité
brûlant comme des hampes
de guerriers alignés
j’arpentai les couloirs éteints,
les salles vides
balançant mon indifférence muette
ma tendresse inutile
dans ce monde effréné
au fond du coeur, déjà, un aurevoir
le crépuscule envahissait ces salles, ces murs marbrés,
ces longs couloirs abandonnés
lentement, inexorablement
comme les ombres du temps qui passe
s’attardent sur les portes aux titres éculés
sous les luminaires semi-éteints
dans les escaliers
la salle des pas perdus aux plafonniers blafards
où se sont égarés
tant de pas pressés ou nonchalants
tant de propos futiles ou importants
envolés à jamais
le temps arrêté
dans le détail architectural
et la beauté désuette de ce bâtiment m’apparut
longueurs grandiloquentes
hauteurs arrogantes
reflet suranné des hauts sentiments
et nobles intentions
de ceux qui la conçurent
pour sauver le monde
tenter de retenir
une paix élusive
dérisoire chimère
au coeur du vingtième
et à l’aube du vingt-et-unième siècles
si destructeurs, si cyniques
belle du seigneur qui se complaît encore
dans une lassitude rêveuse,
pourchassant un idéal qui ne bat que de jour
comme un cœur à deux temps
dont le vernis s’écaille, la nuit
sous la brutalité cinglante et aveuglante
de ce qui fait tourner le monde
tout sommeille et alors
s’ouvre un monde discret
le palais, rendu à lui-même
luisait de ses splendeurs passées
et n’appartenait plus
qu’au petit peuple de la nuit
qui passe et repasse et nettoie
et cire et lave et répare
tandis que les halls déserts
résonnaient encore par échos
des bruits de pas, de voix
fantômes ardents et frivoles
qui s’agrippent et ne veulent pas mourir
ni laisser transparaître l’insouciance
derrière l’éternel recommencement
de leurs vaines préoccupations …
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