1/8 Élévation en Drôme provençale

Point n’est besoin de partir en Mongolie pour réapprendre à vivre en osmose avec la terre, retrouver le goût des choses vraies, chanter l’âme du monde. Une errance bienheureuse dans les collines de la Drôme provençale, sur les traces de Jean Giono, et la relecture de quelques-unes de ses plus belles pages feront l’affaire.

Giono nous réapprend la vraie valeur des choses. Mais aussi, à ré-inventer le rapport entre matériel et spirituel. Dans Colline, les hommes des Bastides blanches ont perdu le sens du sacré : ils ne regardent plus ni les arbres ni les bêtes, et encore moins les pierres, qu’avec le souci de leur utilité. Ils ont oublié de les regarder avec leur âme , cette âme que leur a insufflée le « grand maître » créateur (c’est ainsi qu’il est appelé). Sur son lit de mort, un vieux du village, Janet – dont certains pensent qu’il leur porte le mauvais œil – transmet néanmoins à celui qui veut l’entendre, une leçon magistrale sur le respect des règnes de la nature – animal, végétal, minéral.

Une morale pour notre époque ? La violence de notre regard sur la nature et sur l’autre, le monde, la désacralisation de tout, le besoin de posséder, de dominer, d’affirmer et d’ancrer la supériorité de l’être humain sur toutes les espèces nous apportent leur lot de pollutions et de catastrophes auxquelles nous ne comprenons plus rien. L’humain, avec ses rêves de toute puissance et d’immortalité piétine l’humilité, valeur peu à la mode s’il en est… rester tout petits devant le mystère de la Vie, quoi de plus naturel pourtant ? …

Or, le Chant du monde, tel que le chante Giono, n’est autre qu’un hymne à tout ce qui nous dépasse. Et, à une époque où la mauvaise graine des grandes guerres du vingtième siècle porte ses fruits, engendrant d’autres guerres, annihilations, trahisons, et l’aliénation de l’homme par l’homme, le message de Giono nous pousse à louer la grandeur de la création dans chacun de ses humbles détails, et à reconnaître de pleine face les déviances du genre humain comme les racines du mal qui nous oppresse aujourd’hui.

Giono ne nous apprend rien mais réveille en nous le tout profond de l’être qui remue et espère. A travers les paroles des anciens et des sages, ou d’un aventurier qui s’est mis en tête d’apporter de la joie au quotidien des habitants du plateau Grémone (Que ma joie demeure), il nous rappelle à l’évidence de la simplicité. L’acte gratuit, donc non rentable est revalorisé (faire pousser un champs de narcisses « parce que c’est beau »; amener des biches pour le cerf , et lâcher les juments vers l’étalon, pour faire des petits faons et des poulains; laisser un champs en friche pour faire le bonheur des oiseaux …),  car loin d’être sans résultat, il apporte quelque chose qui n’est pas de l’ordre du mesurable ni du quantifiable : de la joie. Et la joie, elle est la chose la plus gratuite et la plus contagieuse qui soit. Elle permet à l’homme de vivre, à travers les difficultés, et l’amène à questionner ses automatismes, et modifier ses habitudes pour se ménager du temps libre. Elle l’encourage à revoir ses modes de vie et de production, à produire juste ce dont il a besoin pour sa propre consommation, ou pour l’échanger contre d’autres biens nécessaires à sa survie. Ni plus, ni moins. Nous sommes loin de la somnolence confortable dans laquelle nos modes de vie modernes, poussés par la création artificielle de besoins superflus, nous ont plongés. Chaque humain est désormais en droit – a le devoir – de se poser la question : de quoi ai-je vraiment besoin ? La course effrénée au toujours plus, toujours mieux  ne serait-elle pas, en fin de compte, la source de tous nos malheurs ? Et comment nous extraire de cette grande roue de foire, peut-on encore sauter en route, ou est-elle en train de s’essouffler ?

Retrouver peu à peu le goût des vraies choses, de celles qui nous donnent vie et joie : l’eau, les herbes des montagnes, la nourriture saine et locale, l’amitié, l’amour, le partage…. Lorsque la source tarit, les villageois sont inquiets. Dans leur placard, une seule cruche d’eau pourvoit à la journée… Cette inquiétude, tangible, immédiate, est essentielle, nous ne la connaissons même plus car elle n’a rien à voir avec la plupart de nos préoccupations d’aujourd’hui, mais elle pourrait bien revenir un jour nous faire un petit salut…

Aujourd’hui en Drôme provençale, les sources coulent à flot, et loin des bureaucraties coûteuses, les fontaines sont « potables » par défaut d’affichage et elles offrent encore généreusement leur eau, aux habitants comme à l’ermite de passage…  

(c) DM

Publié par

àtoutallure

aventurière de l'esprit

2 réflexions au sujet de “1/8 Élévation en Drôme provençale”

  1. je lis avec un très grand plaisir ton texte à propos de Giono et de la nature qu’il aimait particulièrement , et je ressens très bien tes sentiments bien exprimés ici….. alors bravo et à un prochain échange en
    communion de pensée. PAP’

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  2. Bach et Giono, dans une même aventure, par exemple…que ma joie demeure..des odeurs,
    des couleurs, des mémoires…magnifiques reflexions sur l’écologie, sur Dieu, sur l’immensité de la Vie ! encore, encore… Georges !

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