C’était l’époque où la brume hésite à se glisser dans les futaies
L’époque des petits matins ourlés de blanc et des soirées courtes, éphémères et silencieuses
Chaque brin de lumière volé à la pâleur morose du jour
arrache un cri de gratitude au coeur
encore chaud des brises de l’été
Lorsque le bleu perce, il éblouit l’esprit
Il emporte le blanc avec lui
Et quand la nuit arrive, de ses voiles argentés
elle éteint tout d’un coup, et le ciel,
et l’envie de vivre ou de rire ou de danser
La brume hésite à se lever
Reviennent nous hanter
certaines mémoires oubliées
Il y a quelque chose de gracile dans ces bras de fée dénudés
dans ces silhouettes pétrifiées
rosies par le linceul étincelant
Quelque chose qui nous ramène à notre propre expérience
de l’intempestif, de la cruauté
d’un monde qui sommeille sans se rendre
Une sonorité creuse sort des troncs emmêlés
où le lierre s’agace à grimper
L’écho se fait ivresse
Dans le froissement des coeurs l’attente se fait chair
Une lueur sonde les profondeurs capitonnées
de nos réflexes ancestraux
Une vitalité inconnue surgit, rassurante,
de la brume effilochée qui rumine
D’un chuchotement humide,
la rosée grimpe aux arbres et fourmille
Et la mélancolie s’empare des êtres purs,
les enlace et les étreint
Ceux qui sans concession cherchent à percer le mystère
voient au-delà de leurs propres yeux
s’éclairer les ombres pâles qui oscillent entre-deux
Un renard glapit
et c’est toute la terre qui chante en ut
l’hymne arbitraire de la vie
tandis que les fantômes s’agitent