Contrastes

Mercredi, veille de l’Ascension

 

17h – 438 kilomètres de bouchons

Le Rhône avale des giclées de soleil

Des milliers de parisiens font les Bidochons

Rouge sang la pivoine règne au jardin

 

18h – 499 kilomètres de bouchons

L’air du soir compose, la trêve s’impose

Soupir ; et un regard perdu vers les roses

Avant que la chaleur n’empâte leur éclat

 

19h – L’A6 implose, la campagne se repose

Le téléphone sonne et l’Europe débloque

Les lilas ont cédé la vedette à la glycine

Pâle, celle-ci néanmoins affiche

Une fière giboulée de clochettes sibyllines

 

20h – Gares surchauffées, aéroports survoltés

La maison respire et se gorge des fées

Lâchées par le jour qui tombe au ras des prés

Le chat l’intrus se glisse, discret

La chatte est déjà passée

 

21h – Manchester pleure

Une adolescente a incendié sa sœur

Les grands voyageurs atteignent, en sueur

Quelque havre, pour quelques heures…

Des pétales de rose au couchant

 

22h – La folie du monde se tapit, attendant sa revanche

Les anciens se souviennent

Leur regard transperce le temps

Du fond d’une photo qui livre son secret

L’aloé fléchit dans le vent

 

23h – Le ciel étincelle

La colline noire, inflexible aux accents des bourrasques

Souligne d’un trait immuable

Ce que n’ose dire

Le grand dragon ailé

Qui gît dans la vallée.

 

Minuit – La nuit s’est glissée

Dans les interstices

Des vieux murs étoilés

Tandis que se délient les cœurs et les oreilles

Le corps incertain se rebelle

 

Le ciel s’est paré de grandes traînées laiteuses

Voile de mariée enveloppant la terre

Un miaulement familier devient mystère

 

1h – Veillent encore les cœurs inquiets

La hulotte aux aguets

Ceux pour qui le chant du soir est un songe creux

Ceux qui chuintent des larmes de feu

Le lynx élusif et le renard fêtard

 

Comme un point de beauté,

Vénus au firmament descend…

 

(mai 2017, hommage à Nino Ferrer….et clin d’œil à Reiser !)

Sailing

Au large de l’intime j’ai effleuré tes mots

J’ai sondé tes pensées, et reçu ton silence

J’ai navigué sans doutes, rendu miens tes rivages

Accueilli tes fantômes et résorbé tes peurs

Une aurore maternelle m’a enlacée de ses bras doux

Et j’ai senti s’étreindre en nous la terre et la rosée

J’ai frémi en laissant ton souffle me guider

En m’ouvrant à la nuit j’ai osé te répondre

J’ai ouvert les fenêtres jusque là entr’ouvertes

Ecouté chaque veine qui bruissait à mes tempes

Et laissé s’accomplir chaque menu désir…

 

(mai 2013)

Profession de foi

à Juliette !

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Je suis l’Indomptable

La rebelle aux ailes brisées

La goëlette aux voiles irisées

 

Je suis l’Irréfutable

La Preuve par 6,

La vahiné

Qui de ses jolis pieds va charmer les sirènes

Et chatouiller les Tritons affamés

 

Je suis l’Infatigable

La grande Diseuse de Vérités-qui-fâchent

La redresseuse de torts

La Justice enfin rétablie

Je suis la Révolte

Au front des étudiants

 

Je suis la toute fine

La Grande

La Délaissée

La Belle-au-Bois-Dormant qui attend son baiser

En lisière des rêves agonisés

 

Je suis l’Acharnée

Qui ne recule que pour mieux sauter

Celle qui, point par point ira tisser sa toile

Pour tout englober

 

Je suis la Diane verte au regard sibyllin

A l’ironie fulgurante

Aux flèches fuselées

À la touche d’acier

 

La Vestale de Delphes aux pieds ensanglantés

Qui prédit la débâcle des lâches et des menteurs

La mise au ban des dévoyés

L’avènement certain de l’authenticité

Le retour annoncé de l’antique Splendeur

 

(décembre 2017)

Il était dit

Il était dit que de l’Espoir viendrait la Force, et que de la Force, l’Espoir tirerait ses dernières forces.

Il était dit qu’ils se reconnaîtraient, et que de cette reconnaissance naîtrait un nouvel Être, et que dans les bras l’un de l’autre ils se serreraient, se ressourceraient, se rasséréneraient. Et qu’ils puiseraient ensemble, à nouveau, à la source de Vie.

Il était dit que nul ne s’en apercevrait, à part le chant des oiseaux au petit matin.

Et ainsi vécut le monde jusqu’au jour du Lendemain.

Et ainsi mourut la nuit poursuivant ses chimères.

Et ainsi s’éteignit le feu dévastateur, et les mirages désincarnés perdirent de leur attrait.

Et alors, dans un nouveau monde encore incertain, le cours put attendre son temps, les failles purent s’ouvrir, laissant enfin passer la Lumière.

Il était aussi dit que les lendemains seraient chanteurs …

Raconter

Raconter. Ouvrir la première page comme celle d’un livre et raconter une histoire, son histoire ou l’histoire que l’on porte, comme on la raconterait à ses amis, à ses parents. Se raconter. Y mettre du sien, de la chaleur, de la passion, du cœur, de tout ce qui fait que l’on se sent vibrer. Y mettre de manière généreuse un petit peu beaucoup de soi, c’est s’ouvrir sur le monde, se convaincre que l’on y peut quelque chose, à changer ces ondes autour de soi, à colporter du bonheur, à prescrire un peu de joie, à rencontrer et faire se rencontrer l’humanité. C’est oublier ce moi envahissant qui a peur des autres peur du jugement qui sans cesse se mesure se dépasse se lance des défis et simplement respirer dans l’être soi et faire don de ce soi aux autres.

Voilà comment tout a commencé. Avec quelques propos sur le bonheur, quelques considérations philosophiques. Aller chercher au fond de soi en permanence, se refuser à la médiocrité d’un quotidien « au travers de », en transparence, en surface et sans cesse questionner la paresse de vivre platement.

Rouvrir le flot des émotions de jeunesse, refaire les liens émoussés, relier les ruptures entre elles jusqu’à ce qu’elles ressoudent une perception de soi quelque peu unitaire, apaisée, vaguement unifiée ?