Je suis partout

Je suis dans la goutte tremblante au bord d’une feuille

je suis dans l’éclair

dans la voix qui clame ou réconforte

dans la fleur et l’arbre

Je suis dans l’espace lointain

dans les cîmes, dans le cristal

des neiges éternelles

je suis dans l’arc-en-ciel

et au fond des océans

Je suis sur la banquise

dans la forêt amazonienne

dans les atholls et dans les nuages

au-delà des nuages aussi

je suis

Dans les entrailles de la terre

dans la lave du volcan

je suis dans le vent qui hurle

dans la spirale

dans l’escargot

dans le métal et dans le feu

je suis dans l’aiguille de pin

dans l’étoile aux confins de l’univers

je suis dans la pierre

dans l’eau vive qui jaillit

je suis dans la biche, le lapin

le cerf, l’ours et le renard

Je suis dans l’amour

dans la joie

dans les pleurs et la détresse

je suis dans les chutes vertigineuses

dans le vide

dans le silence et dans l’absence

Je suis dans le brin d’herbe

dans la noirceur et la lumière

je suis dans la nuit

dans l’aurore spectaculaire

je suis dans les os, dans le sang

dans les profondeurs du cœur

je suis dans ce corps

qui aime, qui souffre et qui rit

je suis Cela

(c) DM avril 2025

Je suis donc je pense

3–5 minutes

L’être précède la pensée ! Ce n’est pas la pensée qui détermine l’existence de l’être, c’est la conscience de l’être qui permet à la pensée de se développer.

Il est temps de remettre dans l’ordre ce paradigme cartésien dans lequel nous avons tous été formatés dans nos études (à une époque où l’école enseignait encore quelques notions de philosophie) et selon lequel la preuve de mon existence réside dans le fait que ma pensée fonctionne !

Ce n’est pas la pensée qui crée la conscience, c’est la conscience qui permet à la pensée de s’exprimer.

image générée avec l’IA : « un esprit conscient qui se connecte avec l’infini de son existence »

Ce n’est pas la pensée non plus qui permet de percevoir l’être : l’être pré-existe dans toutes ses potentialités dès le moment de la fécondation, il se déploie dès cet instant dans les qualités de son existence, de son âme. L’être se perçoit par l’intuition fondamentale que nous sommes vivants, qui est une intuition non pas rationnelle mais une sorte de connaissance immédiate et certaine, inéluctable, indéniable.

Seule la conscience de mon existence permet alors au mécanisme de ma pensée de se développer et d’élaborer des théories, d’analyser ses ressentis et son environnement, de tenter de mettre des mots et donner un sens à tout ce qui me traverse, pensées, émotions, perceptions des sens, mémoires…

Si je n’avais pas conscience d’abord de mon existence, je ne serais qu’un mollusque parmi d’autres ou qu’une bactérie grouillante cherchant à se reproduire et à survivre. Mais si je considère en premier lieu la conscience que j’ai de ma propre existence, alors cette conscience constitue la base qui me permet de me distancier, me décoller de cette simple existence, et dans ce recul de tenter de comprendre le mystère qui entoure le fait même que j’existe.

La conscience est primordiale, et permet d’appréhender le fait que je suis en vie – même si je ne comprends ni comment ni pourquoi. Cette première « pensée » en quelque sorte, donne lieu ensuite à tous les développement habituels de la pensée : le fameux qui suis-je, où cours-je et dans quel état j’erre… Tous ces développements de la pensée sont permis par le fait que c’est ce « Je » qui pense, ce « Je » primordial qui constitue mon existence plutôt que mon identité, et qui appartient à un domaine, un royaume, un univers que je ne maîtrise pas. Ce « Je » primordial est donc l’essence même de mon existence et se rattache à un « Je » plus indéfini, que l’on pourrait appeler le « Soi », qui constitue la Source de tous nos « Je » réunis, l’Origine.

L’identité que nous nous forgeons n’est qu’un exercice de la pensée pour tenter de cristalliser et contrôler ce « Je » qui nous dépasse par sa grandeur originelle. Nous tentons alors de le rapporter à des dimensions plus modestes, afin de parvenir à en faire un élément maîtrisable.

Le petit « je » social, le « je » familial, le « je » culturel et historique (imprégné de son histoire) – qui sont tous des « je » pensés – ne sont alors que le pâle reflet du « Je » créatif qui a fait de nous des êtres vivants – et découlant, pensants.

A partir de cette constatation, on ne peut que tenter de se libérer de ces multiples « je » qui nous manipulent, et se méfier de notre pensée cartésienne qui veut tout disséquer et réduire à sa mesure, pour retrouver le « Je » originel qui est là dès notre conception, et qui procède d’un mystère que nous devons admettre ne pas pouvoir comprendre ni maîtriser !

En fait, l’on s’aperçoit que, dans un sens ou dans l’autre, cette expression nous ramène au même point, pourvu que l’on entende la pensée comme outil de connaissance intuitive et non simple capacité à raisonner (qui serait la pensée logique).

Cette connaissance intuitive nous amène à une autre réalité : Descartes lui-même en conclut l’existence de Dieu, par le seul fait que l’homme peut ainsi penser son existence, c’est à dire concevoir le « Je » profond et intuitif. A l’instar des grands maîtres spirituels de notre siècle, il reconnaît que le simple fait de se ressentir comme existant – donc la conscience du Soi – est une preuve que Dieu demeure en nous. J’en parlais récemment dans mes Carnets de l’Inde : « Le sentiment le plus immédiat de chacun, « Je suis », n’est pas une illusion mais une expérience réelle et intuitive » écrit Chandra Swami, grand sage indien, dans son livre, l’Approche du Divin. « Il est impossible d’expérimenter « Je ne suis pas »... Dieu, dont l’existence ne peut être prouvée de manière rationnelle, peut alors néanmoins se révéler comme évidence intuitive : il serait donc le « Je suis », notre véritable Soi.

DM, octobre 2024

(photo de couverture DM, pointe Saint Matthieu)

(voir article https://feuillesdenvol.com/2024/05/16/3-3-la-devotion-art-de-linde/)

PS (voyage en Inde) Considérations sur Dieu, l’univers, l’homme

4–6 minutes

Le monde est fait d’opposés : le bien et le mal, l’harmonie et la violence, l’oiseau qui chante et le vrombissement de l’autoroute qui assomme. Appréhender la dualité du monde phénoménal [voir l’article 2/3 sur la non-dualité] est une évidence : l’accepter tel qu’il est c’est comprendre qu’il n’y a d’unité et de perfection que dans la Source. Et que toutes ces manifestations émanent du même Amour.

La vision du monde cosmogonique hindoue, avec ses grands cycles d’expansion, de stagnation et de rétraction de l’univers (manvantara), rejoint au fond les théories d’astro-physique sur le Big Bang, l’expansion de l’univers et dit-on maintenant, sa possible rétraction… L’univers respire comme nous respirons à son image : inspir, force d’expansion, de création, de vie, enthousiasme, ouverture ; rétention poumons pleins, plénitude, stagnation, silence, zénith ; expir, lâcher-prise, acceptation de la mort, dissolution, abandon ; rétention poumons vides : attente, vide, éternité, germe.

Ainsi la source de l’univers correspondrait-elle à la Conscience ? Et l’éloignement de la Source (kali yuga) ou moment maximal de l’expansion correspondrait alors à l’éloignement de Dieu que nous vivons actuellement (avec des fréquences vibratoires ralenties et de plus en plus basses) : la banalisation de la matérialité au détriment de la Conscience et l’éloignement du sacré. La Source serait donc Conscience (à l’origine) et la matière serait Énergie. Dieu serait-il alors le trou noir à l’origine de la création ? Ou, en d’autres termes, serait-il la lumière hyper-compressée qui jaillit de ce trou noir ?

Notre travail, selon les traditions spirituelles, est de prendre conscience de cette lumière et de chercher à retourner à sa source (voir Yogananda dans l’article 2/3, la vie sur terre n’est qu’un film projeté sur un écran, il n’existe qu’un but : rejoindre la source lumineuse…) ; avoir la foi qu’ultimement on y retourne (peut-être les aurores boréales, entrevues un peu partout dans le monde récemment, sont-elles venues nous rappeler qu’à l’origine, tout est lumière… et qu’il y a une source de lumière, au-delà de nos ampoules électriques…) Et c’est enfin de rechercher activement le reflet de cette source en nous, et le sentiment d’union que cette lumière projette en nous : ce sentiment que nous avions à l’origine et dont il nous reste quelques réminiscences, dans les moments heureux où nous nous sentons ré-unis, tandis que dans les moments malheureux nous nous sentons morcelés, fragmentés, déconscientisés.

Finalement la théorie de la Conscience unifiée d’où émane tout le vivant rejoint celle du Big Bang : nous serions tous des parcelles de cette Conscience, disséminées dans un univers, par son expansion devenu spatial et qui, en instituant l’Espace, a aussi créé le Temps.

Aujourd’hui le dieu wifi, omniprésent, a remplacé le sens du sacré… il est essentiel de se souvenir de la source et se maintenir dans des énergies vibratoires élevées. C’est précisément ce que permet la dévotion, ou la prière (voir article 3/3).

« Créez une église en vous-même ! «  disait à ses élèves Yogananda, le premier gourou indien à avoir eu un impact profond sur la bonne société bien-pensante californienne. Par des techniques de respiration et de purification (kriyas), par la méditation et la reprogrammation du cerveau (neuroplasticité), il leur enseignait comment établir et entretenir, loin des temples et des églises, une relation personnelle avec Dieu.

Par la prière, ou la connection au sacré, au mystère (voir l’épilogue de l’article 2/3) Dieu au lieu d’être une figure extérieure, qui juge ou qui accorde ses grâces, est ancré en moi, dans la matière et dans l’immatériel, dans mon cœur, ma colonne vertébrale, ma tête. Dieu, ou le pressentiment de l’éternel, devient par la prière silencieuse, une manière d’être au monde, libre, aimante.

« Même si je me plains un peu, disait son cœur, c’est seulement que je suis un cœur d’homme, et les cœurs des hommes sont ainsi. Ils ont peur de réaliser leurs plus grands rêves, parce qu’ils croient ne pas mériter d’y arriver, ou ne pas pouvoir y parvenir. Nous, les cœurs, mourons de peur à la seule pensée d’amours enfuies à jamais, d’instants qui auraient pu être merveilleux et qui ne l’ont pas été, de trésors qui auraient pu être découverts et qui sont restés pour toujours enfouis dans le sable. Car, quand cela se produit, nous souffrons terriblement, pour finir. (…)

– Mon cœur craint de souffrir, dit le jeune homme à l’Alchimiste, une nuit qu’ils regardaient le ciel sans lune.

– Dis-lui que la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même. Et qu’aucun cœur n’a jamais souffert alors qu’il était à la poursuite de ses rêves, parce que chaque instant de quête est un instant de rencontre avec Dieu et avec l’Éternité.

Alors, son coeur demeura en paix tout un après-midi durant. Et cette nuit-là il dormit calmement. Lorsqu’il s’éveilla, son cœur commença à lui raconter des choses de l’Âme du Monde. Il dit que tout homme heureux était un homme qui portait Dieu en lui. Et que le bonheur pouvait être trouvé dans un simple grain de sable du désert, comme l’avait dit l’Alchimiste. Parce qu’un grain de sable est un instant de la Création, et que l’Univers a mis des millions et des millions d’années à le créer. (…)

Le jeune homme, de ce jour, entendit son cœur. Il lui demanda de ne jamais l’abandonner. Il lui demanda de se serrer dans sa poitrine lorsqu’il serait loin de ses rêves, et de lui donner le signal d’alarme. Et il jura que, chaque fois qu’il entendrait ce signal, il y prendrait garde. »

(Paulo Coelho, l’Alchimiste)

texte (sauf la citation) (c) D. Marie, 2024

photo DM