1/3 L’Inde des swamis, des saddhus et des yogis

Voyage au cœur d’une Inde (de plus en plus) secrète qui perdure vaillamment parmi les soubresauts de la modernité. Hors des sentiers battus, nous avons mis nos pas dans ceux des grands sages et des grands saints qui ont donné à ce pays son aura toute particulière, de quête d’absolu et de réalisation intérieure. Un cheminement serein, parfois troublé par les agitations et les trépidations du monde moderne, souvent tranquille et lumineux. Une oraison silencieuse dans l’Inde magique et éternelle.

Nous avons remonté le cours du Gange, visitant les villes saintes qui le parsèment : Bénarès, Haridwar, Rishikesh, et l’ashram de Sadhana Kendra (sur la rivière Yamuna, un affluent du Gange) où a longtemps résidé le maître éveillé Chandra Swami (avant de quitter son corps, comme il est dit ici, le 9 mars 2024).

Dans ce parcours de lumière et de dévotion, nous avons cheminé dans les traces et la présence intemporelle bienveillante de Jiddu Krishnamurti, Ma Anandamayi, Lahiri Mahasaya et Paramahansa Yogananda, Hazrat Sultan-Ul-Mashaikh, Henri Le Saux (Swami Abhishiktananda) et Marc Chaduc (Swami Ajatananda), Swami Atmananda, Ramana Maharshi, Vashishta, Baba Buhman Shah et la lignée des Udasin jusqu’à Chandra Swami et André Riehl notre instructeur et accompagnateur – yogis, moines, sages, saints, philosophes, êtres illuminés qui ont forgé et transmis l’antique sagesse indienne et posé les jalons du chemin intérieur du Yoga, voie spirituelle vers la béatitude, l’union avec le divin.

Une approche du voyage unique qu’aucun tour operator classique n’aurait pu nous offrir….

Delhi – le tombeau du saint soufi Hazrat Sultan-Ul-Mashaikh (1238-1325)

Après l’agitation de la grande ville et nos premières bouffées d’air indien et de circulation intense, nous pénétrons dans l’étroit dédale de ruelles du bazar puis, sans presque le savoir tellement les ruelles sont serrées, dans l’enceinte du tombeau où la ferveur est palpable, malgré le ramadan – ou renforcée par cette période spéciale des musulmans ? C’est l’heure de la rupture du jeûne et nous sommes reçus par Syed Faiz Nizami, descendant direct du grand saint, pour une collation, puis les musiciens soufis, accompagnés à l’harmonium et aux tambours, entament leurs mélopées rythmées et leurs harangues adressés au public qui se presse, et qui semblent des appels insistants que je traduis dans mon for intérieur comme : « L’Éternel est là, il vous attend, qu’attendez-vous pour le connaître ? »

La foule assemblée au tombeau du saint soufi

Le message des soufis est d’amour et de paix : « faire de l’homme un être vivant parfait ! » selon ce grand saint dont le mausolée accueille une vibrante communauté de toutes origines, castes ou religions. De son temps il a voulu rétablir l’harmonie entre les peuples de descendance afghane, iranienne, turque et autres qui co-habitaient sur ce vaste territoire : il ordonna à l’un de ses disciples d’inventer un langage commun pour les peuples de l’Inde : c’est ainsi que serait né l’Urdu – mélange de perse et du langage local ‘Brij Bhasha’.

Les premiers soufis étaient des Musulmans orthodoxes qui pratiquaient l’abandon, la mortification, la piété et le quiétisme (contemplation et silence intérieur).

Les soufis pratiquent aussi la tolérance, la compassion, la patience, la persévérance; le jeûne et la prière étant considérés comme les moyens de préparer le cœur à recevoir les messages du Divin.

Les liens entre le soufisme et le tantrisme sont profonds, même si certains sont réticents à le reconnaître.

Bénarès – cérémonie d’arati (adoration de la déesse du fleuve Ma Ganga)

C’est sur un point particulièrement ouvert des ghats (vastes escaliers parfois abrupts descendant vers le fleuve), au ghat Dashashwamedh, que se déroule chaque matin et chaque soir depuis la nuit des temps sans doute la célébration d’arati. Aujourd’hui devenue un peu foire commerciale, avec des animateurs arqués sur leurs micros, des vendeurs de ballons et de barbe-à-papa… malgré tout la foule est là, dense, recueillie. Et alors que lentement la nuit enveloppe les lieux, l’atmosphère de grand stade de foot se dilue et la magie et la ferveur opèrent. Le sacré reprend ses droits qu’il n’a jamais vraiment perdus. Les brahmans invoquent les éléments, allument 108 feux, sonnent les clochettes et à chaque fois se tournent vers les quatre directions. De puissantes fumées d’encens s’enroulent autour de nous et nous entraînent dans ce rituel ancestral.

Arati, les offrandes du feu
Ma Ganga sur son crocodile

La déesse du Gange, en statue géante assise sur un crocodile préside, impassible, à ces offrandes et ces adorations qui font perdurer son mythe de fleuve sacré, où se baigner lave de tous les péchés, tandis que mourir sur ses berges stoppe le cycle des réincarnations et permet d’atteindre directement l’ordre divin. Elle est la déesse de la purification et du pardon. A la fin de la cérémonie, nous remettons nos petites bougies et fleurs offertes aux flots qui emportent nos vœux les plus secrets… La soirée se termine sur la terrasse d’un délicieux restaurant non loin, rythmée par des musiciens classiques.

Bénarès – centre Krishnamurti

Havre de paix non loin du cœur battant de la ville sainte, tiraillée entre tradition et modernité. Un grand jardin silencieux, planté de dahlias, de bougainvillées… et débordant d’oiseaux. Des bâtiments clairsemés dans la nature, de grandes salles de réunion, de conférence, de méditation… on aimerait y rester pour toujours. Une vidéo sur le vrai sens de la méditation nous fait entendre les paroles du grand homme, qui prêchait le questionnement intérieur, le doute, l’indépendance de la pensée et l’observation distanciée de tout ce qui nous est « connu », comme méthode de libération. S’ensuit une discussion de groupe, où nous tentons de mettre au clair notre compréhension de ce vaste monde de silence et de connaissance de soi qui nous submerge, puis un repas pris à la salle commune. Retour par bateau sur le fleuve, vers le centre de Bénarès.

Les Aghori sont une secte un peu particulière dont les adeptes vivent en ascètes sur l’autre rive du Gange et, dit-on, sont des mangeurs de cadavres. Ici c’est fort heureusement une version plus civilisée de ce groupement que nous visitons, dans un ashram qui fait œuvre de charité dans le voisinage. L’endroit respire la tranquilité (en dépit des travaux qui concernent la réfection du portique et l’ajout de plusieurs salles à l’étage)

De honte, Kali tire la langue….

Une belle sculpture de Kali (la déesse qui détruit le mal et l’ignorance) derrière le temple représente la déesse, bleue de colère, dominant le tigre : lorsqu’elle s’aperçoit que c’est Shiva qu’elle piétine, elle se repent et sa colère se calme.

Une belle salle de méditation donnant sur la vue calme du Gange; partout où il coule, le fleuve invite à l’introspection et au recueillement. L’ashram vit de donations et recueille des jeunes garçons des rues, dont un qui est là, devenu professeur de yoga. Ils ont aussi un hôpital qui offre gratuitement des chirurgies pour les yeux, une école et un centre de formation professionnelle pour les femmes.

L’Inde regorge de ces œuvres charitables de proximité qui ont un impact direct et visible sur le voisinage (comme à l’ashram de Chandra Swami que nous rejoindrons à la fin du voyage).

Un troupeau de buffles se baigne dans la rivière : ils sont à l’aise et se laissent porter comme des ballons flottant à la surface, seules dépassent leurs têtes et l’arête de leur dos.

L’un des grands traducteurs du sanskrit et fin érudit des Tantras et du shivaïsme du Cachemire, musicien et joueur de sitar, disciple de Swami Lakshmanju (connu comme celui qui a revitalisé la tradition du shivaïsme du Cachemire), il vit en Inde depuis quarante ans et vient de terminer une traduction en anglais du Tantraloka (« La Lumière sur les Tantras ») : l’un des textes de référence du tantrisme shivaïte du Cachemire. C’est un recueil de méthodes initiatiques tantriques en 12 volumes, où sont décrites les voies de la libération, rédigé au 11è siècle par le mystique Abhinavagupta sur la base des traités (tantras) ancestraux du shivaïsme .

Mark Dyczkowski a aussi traduit le Vijñana Bhairava Tantra (« Le Livre de la Reconnaissance de Soi ou du Discernement »), un recueil de la même tradition , qui remonterait, au moins, au 7è ou 8è siècle (ou au 1er siècle selon d’autres) et présente, sous forme de dialogue, 112 méditations pour réaliser la véritable nature du Réel.

Les rives du Gange, vues d’une terrasse

Ce jour-là j’avais la nausée et je crains de n’avoir pas pleinement profité des éclairages de ce grand lettré amoureux de la culture et philosophie indiennes ; néanmoins j’en retire quelques traits saillants : la passion ou la ferveur de l’enquête intérieure, et des travaux auxquels on s’applique ; la sincérité ; persévérance ; l’humilité.

Interrogé sur ses lectures favorites, il révèle qu’à part le Tantraloka ou le Vijñana Bhairava Tantra, figurent les poésies du poète soufi Rumi.

Haridwar – cérémonie d’arati sur Har Ki Pauri

Un soir comme un autre à Haridwar, ville sainte du Gange, la foule se presse sur les bords du fleuve sacré, pour des célébrations en honneur à la déesse du fleuve et à Shiva, dont une statue géante trône au milieu des eaux. Des milliers de pèlerins sont là, dans cette ville où se tient en alternance la kumbh mela (le plus grand pèlerinage au monde, qui regroupe sur des périodes de douze années des millions de fervents hindouistes, philosophes, sages et saints)

Haridwar cérémonie sur le Gange

C’est une cacophonie de bus, d’autocars et de voitures privées, les bords du Gange sont déjà remplis, on cherche un petit coin d’où apercevoir les cérémonies, on ressent l’ardeur au milieu de cette foule recueillie, à peine parsemée de quelques touristes. La soirée se poursuit dans les ruelles gorgées de boutiques, de clochettes, de statuettes et de souvenirs, ponctuée d’un bon repas et d’un délicieux lassi (boisson au lait fermenté ;))

Haridwar – tombeau de Mahiri Lahasaya

En ce lieu si calme où des saddhus font la sieste sur le gazon synthétique (!) nous avons l’opportunité de nous relier à la grande tradition du Kriya Yoga, à travers l’ermite himalayen Babaji, son élève Lahiri Mahasaya (1828-1895), fondateur de l’école de Kriya Yoga (une lignée de yoga pour personnes vivant « dans le monde »), puis Sri Yukteswar et son disciple Paramahansa Yogananda qui a atteint une sorte de célébrité. Ce dernier, auteur de l’Autobiographie d’un Yogi, sera le premier yogi, au tout début du 20è siècle, envoyé « en mission » en Occident par son maître, qui pressent l’importance du message du Yoga pour le monde en chute libre, dont les contours se dessinent déjà sans équivoque. Yogananda atterrit en Californie en 1920, y fondera la Self-realization fellowship et déclenchera l’engouement pour le yoga et ses traditions, et la vague spirituelle que l’on sait… puis les dévoiements que l’on connaît aussi, puisque la « modernité » semble tout corrompre : gurus abusifs, sectes corrompues, et aussi yoga devenu technique de gymnastique au détriment de sa véritable nature, qui est la quête intérieure.

La grande sainte indienne Ma Anandamayi disait : « si Dieu vient vous rendre visite dans la posture… alors c’est une vraie pratique ».

Haridwar – Kankhal – samadhi et ashram de Ma Anandamayi

C’est un lieu saint et hautement chargé vibratoirement ; ici repose Ma Anandamayi (1896-1982) la grande sainte indienne – à l’inverse du commun des mortels dont les corps sont portés à la crémation, les saints sont enterrés, afin que les fidèles et dévots puissent venir continuer à se recueillir sur leur tombeau appelé samadhi. Elle est à la fois enfant, fille, femme, épouse (son mari sera son premier disciple) et Mère de toute l’humanité, de toute la création.

Dès l’âge de deux ans elle entre en samadhi (extase) lors d’un kirtan (chants dévotionnels de groupe) sur les genoux de sa mère. Puis, toute sa vie sera errance, service des pauvres, amour inconditionnel, enseignement et modèle de ferveur religieuse, mais aussi rencontres avec des personnalités : Gandhi, Nehru, des présidents, des ministres et des ambassadeurs, des dignitaires religieux, indiens et occidentaux …

De l’autre côté de la rue, sa « maison » ou en tous cas l’un des lieux où elle résida souvent. On ressent sa présence, surtout dans sa chambre : un lit modeste, un harmonium – et dans la véranda et le jardin qui descend en pente douce vers le Gange. Là, je reste un moment debout, laissant mon regard flotter au loin vers la rivière, imaginant qu’elle s’est tenue là, souvent, et je ressens une émotion profonde, une élévation de l’âme qui aspire aux beautés éternelles de l’Un.

Haridwar – puja et fête de Holi au campus de Guru Ramdev

Un moment fabuleux où nous participons à une cérémonie d’offrande et de gratitude devant le feu (puja) pour remercier pour l’abondance et les moissons à venir, à l’approche du printemps. Invités par Guru Ramdev, un disciple de Chandra Swami qui gère une énorme fondation, l’Université Patanjali, dédiée à l’éducation des jeunes dans la tradition du yoga. Guru Ramdev est également associé avec l’homme d’affaire indien Balkrishna dans la création de Patanjali Ayurved, un empire agro-alimentaire et de naturopathie, qui fait de lui un businessman moderne et de large envergure.

Une pluie de pétales de rose…

Nous sommes reçus gracieusement et un peu à la dernière minute, à cette fête monumentale en plein air à laquelle participent des centaines d’étudiants, sur le campus entouré de larges bâtiments (écoles de sciences appliquées, de psychologie, de sanskrit, sport, musique, philosophie, ayurvéda, naturopathie et yoga…) et qui culmine, ô surprise, en une grande explosion de joie sous des lancers de pétales de roses fraîchement coupées et d’autres fleurs qui embaument : ainsi la traditionnelle fête de Holi (fête du printemps, célébrée le 25 mars) nous apportera son lot de gaieté (nous échapperons le lendemain aux lancers de poudres de couleurs dans les rues qui, sous l’influence de la modernité, sont souvent accompagnés aujourd’hui de musique forte et d’alcool …)

Rishikesh – ermitage de Masteram Baba au bord du Gange

Arrivée à Rishikesh un peu déroutante : musique bruyante, rave party dans la ville, jeunes gens éméchés recouverts de couleurs (les poudres de la fête de Holi), hôtel à Tapovan en mauvais état ; publicités pour le saut à l’élastique, le rafting… on semble avoir quitté l’Inde sacrée pour se retrouver au cœur de la société du commerce mondial (il ne manque que l’apple pie…)

Et puis, une fois installés, bon an, mal an, nous sommes partis à pied traverser la passerelle qui enjambe le Gange (l’autre pont est en réfection depuis longtemps)

De l’autre côté, nous retrouvons Dieu merci les vaches sacrées, les saddhus et le calme des temples et des ashrams, en particulier dans l’ermitage de Masteram Baba, un saddhu qui y a vécu longtemps et dont la mémoire perdure, à travers ses photos, sa grotte sur le Gange, petite caverne exiguë seulement dotée d’un modeste tapis. Un jeune swami dévoué entretient l’ashram, verse des fleurs fraîches chaque jour sur les photos du maître qu’il n’a pas connu, mais dont il affirme ressentir la présence à travers ses yeux vivants, et accomplit les rites et les prières au lever et au coucher du soleil : c’est en effet le moment où une énergie spéciale se distille dans l’air, et tout Rishikesh retentit des clochettes cérémonielles et embaume d’une odeur d’encens.

Soir doré sur le Gange,
image de l’Inde éternelle…

A ce moment précis, le Gange s’est revêtu d’une parure d’or ; quelques prêtres sont descendus perpétuer les rites ancestraux au bord de l’eau ; et nous, quelque peu rassérénés, nous sommes laissé porter par la douceur de cet instant béni où tout se pose, la chaleur du jour et les pensées, les bavardages, aspirations et déceptions, pour ne laisser plus flotter qu’un instant qui s’étire, à la frontière de l’éternité …

Rishikesh – bain matinal dans le Gange

Un pèlerin en quête de l’ultime vérité (de Soi ou d’Absolu) se doit de sacrifier au rite du bain dans le Gange. Vénéré comme déesse purificatrice, Ma Ganga (Mère Gange) est aussi source de vie (le Gange et ses affluents irriguent 30% du territoire indien…) et de sagesse : il suffit de s’en approcher pour percevoir, dans sa lente fluidité, à la fois les crêtes et les creux de nos expériences transitoires, et le flot continu et immuable qui les sous-tend.

A Bénarès, il est exclu sans doute pour tout occidental raisonnable de se baigner dans le Gange, qui collecte et charrie autant les eaux usées que les déchets solides et industriels…

A Haridwar, lors de la cérémonie d’arati, j’ai pu m’y laver les mains et m’asperger par trois fois la tête de quelques gouttelettes, l’eau semblant à peu près propre, puisque la rivière y coule à 250 km seulement de sa source dans les glaciers de l’Himalaya.

Avant le bain, copain copain avec les chiens

A Rishikesh, une vingtaine de kilomètres encore en amont, le Gange ressemble à un torrent fougueux tout juste libéré de l’emprise des montagnes et prenant déjà une sorte de noble ampleur et de puissance. L’eau est claire et un peu verte, avec beaucoup de remous que l’on peut éviter en restant près de la berge, les pieds dans un sable gris clair et si fin qu’il glisse entre les orteils… Les bains du petit matin y ont été un bonheur. L’eau est fraîche mais pas glaciale (environ 14° d’après mon expérience bretonne). Il existe quelques-unes de ces petites plages bordées de gros rochers où les Indiens aiment flâner le soir ou commencer leur journée en s’imprégnant de l’atmosphère de félicité que procure le fleuve, tandis que la ville, plus haut, s’agite déjà dans le tumulte des klaxons et des activités du jour.

L’ultime satisfaction étant alors de ponctuer le tout d’un petit chaï consommé sur la plage et confectionné, bien sûr… avec l’eau du Gange (thé longuement bouilli donc sans mauvaises conséquences pour nos intestins fragiles).

Rishikesh – visite au temple de Neelkhant

Ici, en un lieu perché sur les collines, à deux heures de route (32 km) au-dessus de Rishikesh, l’on dit que Shiva a bu le poison du monde pour le libérer de ses souffrances, et que celui-ci lui a enflammé la gorge qui est devenue toute bleu foncé. Lord Shiva aurait médité ensuite pendant 60.000 ans au pied d’un bamyan pour adoucir l’effet du poison, avant de rejoindre le mont Kailash.

La route est longue et éprouvante, pleine de lacets (peut-être 60.000…) et ce jour-là il fait très chaud ; les véhicules tout terrain, bus, autocars, se succèdent et s’entassent au parking. Puis nous faisons la queue pendant un temps indéterminé pour accéder au temple. La visite elle-même se passe vite et presque décevante, on aperçoit le shiva lingam, on murmure un souhait à l’oreille du taureau qui représente Shiva. On apprend ensuite que, plutôt que de voir quelque chose, une telle visite pour les Indiens est une manière de se montrer aux dieux, de se laisser voir. Tout comme une balade dans la forêt, où au lieu de regarder les arbres, on peut se laisser regarder…

La journée se conclut par un concert de musique classique indienne sous la houlette de Shivananda Sharma, violoniste et directeur d’une école de musique pour enfants déshérités.

Rishikesh – la grotte de Vashishta

A 23 kilomètres de Rishikesh en remontant le Gange, on arrive à ce petit trésor de lieu d’où coule éternellement une énergie sacrée. On dit qu’ici, il y a 9.000ans (?) a vécu le sage Vashishta, l’un des sept rishis (grands sages, « ceux qui ont vu » auxquels a été révélée la sagesse des Védas) de l’Inde, auteur de grands textes fondateurs du Yoga Classique Vedanta. Le Yoga Vashishta par exemple, méconnu mais très riche, décrit, sous forme de dialogues et de fables, la nature de la vie, de la souffrance, des choix, du libre arbitre, du pouvoir créateur et de la libération, avec une base philosophique similaire à celle de l’advaita vedanta (la non-dualité).

A peine troublée par les rafters qui descendent le cours du Gange en criant leur excitation avant les rapides, l’ambiance de l’ashram et de la grotte est restée empreinte d’une délicieuse béatitude, de l’un de ces nectars qui marquent une étape dans le chemin de réalisation. Un autre célèbre sage, swami Purshottananda, vécut ici pendant trente ans. Je pense à la grotte de la Sainte Baume en Provence, loin tout là-bas, chez nous, d’où émane une similaire fréquence vibratoire fine et précieuse, qui amène immédiatement le visiteur à des plans supérieurs.

Un peu plus bas, surplombant le lit du Gange, se trouve une autre grotte, appelée Arundhati Guha (grotte), du nom de l’épouse de Vashishta qui dit-on vivait également ici ; à cet endroit un peu perché dans la falaise, elle présente une vue superbe sur les méandres du Gange et porte aussi, dans les circuits touristiques, le nom de « Jesus Cave », car certains l’affirment, le Christ aurait séjourné là lors de ses années en Inde. Sans le savoir, plusieurs swamis auraient eu ici une vision de Jésus.

Voir plus de détails, et des vidéos, ici :

Rishikesh – Ajatananda ashram

Visite de cet ashram consacré par Chandra Swami et entretien avec son fondateur Swami Atmananda, ancien moine de la tradition chrétienne d’Orient ayant embrassé la philosophie de l’advaita vedanta (enseignement de la non-dualité).

S’inspirant de la vision d’un de ses prédécesseurs, Swami Abhishiktananda*, de l’unicité de la Vérité ultime au-delà du particularisme des approches religieuses, Swami Atmananda fonde en 2003 l’Ajatananda Ashram, qui porte le nom de celui qui fut le disciple réalisé d’Henri Le Saux : Swami Ajatananda Saraswati (Marc Chaduc), « disparu » ou « éveillé » dans le haut Himalaya en 1977.

L’ashram est dédié aux contemplatifs de toutes religions ou traditions, qui peuvent venir y accomplir une recherche spirituelle et réaliser la connaissance du Soi par la contemplation silencieuse :

Interrogé sur son passage de la chrétienté à la mystique indienne, Swami Atmananda, qui enseigne la non-dualité en Inde et en Europe, a cette réponse éclairante : « les prêtres sont formés pour enseigner Dieu mais pas pour le réaliser. »

Puis soirée-puja à Sri Krishna Kripa, un ashram familial – offrande des lumières aux divinités – et kirtan avec un musicien français, Mahadev OK, adepte de bhakti yoga (le yoga de la dévotion) et animateur de kirtans (chants dévotionnels de groupe) .

Dumet (Vikasnagar) – Dehradun district, Uttarakhand – Sadhana Kendra Ashram

Comment décrire, autrement que par quelques mots simples, mon expérience là-bas ?

Calme – Silence – Présence vibratoire de Swamiji (Chandra Swami le maître éveillé de l’ashram qui a « quitté son corps » il y a 3 semaines…) – Méditation – Seva (service à la communauté) – Discipline – Respect – Simplicité – Dévotion – Amour inconditionnel – Perception palpable de la Joie – Incommensurable – Temps suspendu – Réflexion – Patience – Questionnements – Quête intérieure – Purification – Partage – Amitié – Mots du cœur – Mots de Soi…

texte et photos (c) D. Marie 2024

photo de couverture : soir doré sur le Gange à Rishikesh

Gratitude à André Riehl qui nous a permis d’aborder l’Inde avec le regard du cœur, fait bénéficier de ses connaissances sur ce pays et partagé ses lieux secrets, personnalités originales et anecdotes, et pour son accompagnement affectueux.

https://www.youtube.com/@andreriehl-nidrayoga2990

Merci à Infinitude pour l’organisation de ce voyage très spécial « Aux Sources du Yoga ».

À suivre …

2/3 La non-dualité, secret des sages

3/3 La dévotion, art de l’Inde

Note de lecture

Fragments d’un paradis, éclats du merveilleux

Étrange petit bouquin que celui-là, où Jean Giono, contrairement à son habitude, ne nous emmène pas dans les collines odorantes de la Drôme provençale, mais sur les flots des mers du sud, dans une quête hypothétique de sens, de ce quelque chose qui peut donner à la vie, la saveur de la joie, du bonheur, et à l’homme, le goût d’aller de l’avant, de se sentir en accord avec ce pourquoi il est né : l’aventure, l’accomplissement, le mouvement, le chemin, bon ou mauvais, juste ou discordant, mais toujours dans un sens, vers quelque chose, une direction.

L’éditeur, Gallimard, sous la plume de Bertrand Poirot-Delpech, parle au dos de ce petit bouquin de « l’art poétique de Giono », de son « imaginaire verbal ». J’y verrais surtout moi, dans ce livre – petit bijou posé sur le ressac, ballotté par les flots de l’imaginaire de l’auteur, qui atteint et rejoint, à notre corps défendant, notre subconscient à nous, qui en lisons les lignes – j’y verrais donc surtout, une sorte de conte fantastique, un petit traité du merveilleux. En effet nous sommes à la lisière des contrées de Jules Verne, Edgar Poe, aux confins des mondes enfantins de Pinocchio, de Peter Pan, de Rakham le rouge et de l’Île au Trésor, entre les doigts crocheteux des capitaines Fracasse, Crochet ou Nemo, dans les contrées mystérieuses abordées par Magellan, Jacques-Yves Cousteau, Haroun Tazieff ou Fridtjof Nansen. Il est question de mammifères marins fantasmés ou réels, de raie géante aplanissant l’horizon comme une île, d’un calmar monstrueux sorti des profondeurs pour des noces lubriques avec des albatros, de fulgurances d’étincelles électriques multicolores et de récifs imaginaires tout droits sortis de la terreur instinctuelle des hommes, en fait baleines frôlant le navire… Il est question du grésillement des étoiles et de la symphonie assourdissante qu’elles distillent tout au long de la nuit, réglée sur l’inclination du ciel et des constellations qui basculent graduellement dans leur course vers l’Ouest, d’un volcan inaccessible, d’une falaise de basalte a priori hostile mais s’avérant hospitalière… Il est question de profondeurs sous-marines aussi sombres que les tréfonds de l’âme, d’abîmes insondés où trébuche le bon sens, du mystère de la vie et de la mort, de survie, du vacarme des oiseaux, d’odeurs de putréfaction et de musc évoquant les grandes prairies de narcisses au printemps, de pluie incessante et sourde qui assomme et alourdit, dans ses tentatives d’agir, jusqu’au plus averti des hommes…

Tout un monde d’archétypes qui nous parle de terreur, d’appréhension, de fureur, d’impatience, de joie sauvage, de rugissement, du saisissement de la vie, du grand destin qui fait tourner l’horloge et sonner la cloche, de la simplicité possible de notre existence humaine, de l’acceptation, de l’embrassement, de la résignation, du plus simple accomplissement de leur devoir et de leur destinée par des hommes – marins, explorateurs, botanistes, zoologues – en phase avec les rênes guidant leur vie, qui écrivent l’Histoire sans même savoir qu’ils y appartiennent…

Étrange titre, Fragments d’un paradis, pour un étrange petit essai sur la vraie vie; féerique et faramineux, délicat et parfois monstrueux, dans lequel il me semble qu’on cherche à nous faire voir, de loin ou de très près, avec nos yeux d’aveugles, la magie de la vie, émergeant aux moments les plus inattendus du récit, les plus tendus aussi, lorsque tout semble immobile, lorsque l’inconnu inquiète et fascine, dans un suspens qui défie les règles de la résolution romanesque.

Fantastique voyage dans les profondeurs, chronique d’un monde oublié, aux confins des mers et des continents, dans les abysses de notre soif d’être. On y perçoit différents aspects de la vie de Giono, la guerre de 14 et ses horreurs, l’inassouvible soif de vivre, le chant du monde, la vie célébrée avec un amour, une fascination inextinguibles, la gloire de la création – ciel, étoiles, rocs, mers, plantes, animaux – sans que jamais il ne soit vraiment fait allusion à un Créateur. Ardeur de l’embrasement, foisonnement du Verbe, antidote à la mort. Et tentative magnifique de percer le mystère de la vie sur terre, ce pourquoi nous sommes là… et de chanter le monde, de l’embellir, de transpercer le voile et rendre visible l’imaginaire, le fabuleux, pour que notre joie demeure, toujours.

« Les étoiles se refermaient soigneusement autour de lui, l’entourant d’un globe total. Le silence était si parfait qu’au bout de très peu de temps il commença à entendre le grésillement même des étoiles. Cela commençait dans son œil par des palpitations ou par des élancements barbelés qui faisaient haleter toutes les constellations ensemble, comme à la suite d’un souffle des profondeurs qui aurait lentement attisé ses lointaines braises. Alors, dans le silence total qui emplissait ses oreilles comme d’une farine de son moulu très menu, il commença à entendre le crépitement des lointains brasiers. Les plus grosses étoiles craquaient d’une façon sourde et parfois poussaient un petit cri de cristal en accord avec les flammes dorées et bleues qu’elles lançaient. Les multitudes de poussières allumées qui, de tous les côtés, s’éparpillaient à travers la nuit, faisaient le bruit étouffé d’un frottement de chute de neige. Parfois, de la profondeur même du bruit sourd, s’élevait en augmentant le crissement d’un long jet d’or qui traversait le ciel du Nord au Sud d’une longue promenade lente de flammes, dans le sillage de laquelle la nuit refermée précipitait de nouvelles étoiles. A mesure que la nuit tournante faisait passer au zénith ses troupeaux d’étoiles, puis les inclinant les faisait descendre dans la mer, le chant grondant d’un côté de l’horizon montait avec des sonorités d’étoiles neuves. »

Fragments d’un paradis, de Jean Giono
L’Imaginaire Gallimard, 1974

texte (à part la citation) photos et illustration de couverture (c) DM, mars 2024

Qui

Qui suis-je, qu’un amas de cellules, d’ions et de protons ?

Qui suis-je, que le vide qui est en moi ?

Qui suis-je, que l’énergie qui traverse ce vide en vibrillonnant ?

Se laisser traverser par tout ce qui se présente….

Note de lecture

La Vie devant Soi : évidence et ironie

Une histoire d’amitié et de loyauté : deux êtres liés par le sort, indépendamment de leur volonté. Pour Momo, Madame Rosa est une mère par procuration, celle qu’il n’a jamais eue, ni de père d’ailleurs. Pour Madame Rosa, Momo est sa bouée de sauvetage, son repère, et celui qui en retour prendra soin d’elle dans ses vieux jours et aura, malgré son tout jeune âge, la charité de l’accompagner comme elle l’entend, vers le grand départ.

Momo n’est pas dupe, c’est loin d’être une belle femme, cette grosse mama juive devenue impotente avec l’âge, qui se farde et se parfume et ressasse sans cesse les mêmes souvenirs dans son kimono japonais. Mais elle a le coeur sur la main et c’est pour cela, sans doute, que parfois Momo la trouve belle, même au pire de sa dégénerescence.

Prix Goncourt 1975 : sous le pseudonyme Émile Ajar, se cachait Romain Gary – auteur de confession juive né en 1914 à Vilnius dans l’Empire russe, élevé par sa mère et arrivé en France à Menton en 1928 – qui avait déjà décroché un premier Prix Goncourt en 1956 pour Les Racines du Ciel

Le plus grand canular de l’histoire de la Littérature ? A l’âge de soixante ans (âge où est morte sa mère, celle qui aura institué toute sa vie ainsi qu’il le raconte dans La Promesse de l’Aube), Romain Gary, quelque peu entré en disgrâce littéraire depuis l’époque de ses premiers succès, et peut-être libéré de l’emprise maternelle, s’invente enfin un Autre, un Alter Ego, un écrivain nouveau qui lui permet de se renouveler, se recréer, et sous la plume duquel il signera quatre romans.

« À partir d’un certain degré de notoriété les types deviennent prisonniers de leur image » dira Romain Gary sur les antennes. C’est sans doute pour y échapper qu’il inventa cette faribole. Pris au dépourvu dans la course au Goncourt, il demande à son petit cousin Paul Pavlowitch d’endosser la personnalité d’Émile Ajar…

Ainsi dans sa vie Romain Gary aura été le seul écrivain à recevoir deux fois le Goncourt !

Malgré des signes avant-coureurs qui auraient pu le faire démasquer, ce n’est qu’après sa mort que la supercherie sera révélée, grâce à un court récit écrit de sa main et envoyé à Gallimard le jour où il se donna la mort, Vie et mort d’Émile Ajar.


La Vie devant Soi est un roman sur la vie à Belleville dans un immeuble plein de noirs et d’arabes et de juifs dans les années 70. Un roman qui chiale qui pue et qui respire comme la vie grouillante de ces quartiers. Écrit en style quasi-télégraphique et enfantin avec le minimum de ponctuation car c’est pour mieux représenter le désarroi d’un gosse qui grandit sans rien comprendre et qui apprend la vie par à coups. La vie en bigoudis qui se traîne et s’insinue même quand on veut pas la regarder en face. La vie en seringues d’héroïne et en femmes sans rescousse qui se défendent en vendant leurs atours sur les trottoirs de Belleville des Halles ou de Barbes.

Momo est un enfant de prostituée mis en pension « clandé » (clandestine) chez une vieille femme juive rescapée du Vel d’Hiv qui aimerait bien mourir parce qu’elle perd la tête mais qui ne peut pas. Après tous les gamins qu’elle a élevés (elle-même ancienne prostituée avec les honneurs) il ne lui reste que Momo son préféré, celui qui n’a jamais eu père ni mère (en fait, on aura le fin mot de l’histoire…). Momo le gamin raconte l’histoire avec sa gouaille sa pudeur son désespoir ses fautes de français et sa naïveté de gosse qui est en train de devenir adulte. Au cours du livre il a d’abord dix ans puis quatorze d’un seul coup comme ça il prend un coup de vieux rapport aux faux papiers qu’on lui avait fait. Il est entouré d’une bande originale, les quatre frères Zaoum déménageurs (bien pratique quand il faut soulever la grosse Madame Rosa) Monsieur Hamil ancien marchand de tapis qui a lu Victor Hugo (mais qui le confond parfois avec le Koran) et qui est en train de devenir vieux et con Monsieur Walumba l’éboueur au grand cœur et toute sa clique africaine qui viennent danser peints en couleurs devant la vieille Rosa pour lui ramener ses esprits, le docteur Katz vieux juif qui veut mettre Madame Rosa à l’hôpital mais elle elle ne veut pas car « je ne veux pas vivre plus que c’est nécessaire et ce n’est plus nécessaire« , et Madame Lola la travestie au Bois de Boulogne ancien champion de boxe au Sénégal qui casse la gueule à ses clients mal inspirés qui pensaient pouvoir lui mettre une trempe… Il est élevé en quelque sorte par tous ces personnages hauts en couleurs qui lui servent à tour de rôle de père de mère de frères et de sœurs.

Et ainsi, on lui dit un jour qu’il a « la vie devant soi » ?… mais qu’est-ce qu’il en a à faire de la vie « qui peut être très belle mais qu’on ne l’a pas encore trouvée et qu’en attendant il faut bien vivre »… ?

Une grande leçon de sagesse, drôle et touchante, où la vie change de couleur au gré des péripéties que traverse le jeune Momo devenu adulte trop vite.

« Le bonheur, c’est une belle ordure et une peau de vache et il faudrait lui apprendre à vivre. On est pas du même bord, lui et moi, et j’ai rien à en foutre. J’ai encore jamais fait de politique parce que ça profite toujours à quelqu’un, mais le bonheur, il devrait y avoir des lois pour l’empêcher de faire le salaud. »

« Monsieur Hamil aussi, qui a lu Victor Hugo et qui a vécu plus que n’importe quel autre home de son âge, quand il m’a expliqué en souriant que rien n’est blanc ou noir et que le blanc, c’est souvent le noir qui se cache et le noir, c’est parfois le blanc qui s’est fait avoir. Et il a même ajouté, en regardant Monsieur Driss qui lui avait apporté son thé à la menthe : « Croyez-en ma vieille expérience. » Monsieur Hamil est un grand homme, mais les circonstances ne lui ont pas permis de le devenir. »

« Je voudrais aller très loin dans un endroit plein d’autre chose et je cherche même pas à l’imaginer, pour ne pas le gâcher. On pourrait garder le soleil, les clowns et les chiens parce qu’on ne peut pas faire mieux dans le genre. Mais pour le reste, ce serait ni vu ni connu et spécialement aménagé dans ce but. Mais je pense que ça aussi ça s’arrangerait pour être pareil. C’est même marrant, des fois, à quel point les choses tiennent à leur place. »

« J’ai léché ma glace. Je n’avais pas le moral et les bonnes choses sont encore mieux quand on a pas le moral. J’ai souvent remarqué ça. Quand on a envie de crever, le chocolat a encore meilleur goût que d’habitude. »

La Vie devant soi, d’Emile Ajar
Mercure de France, 1975

texte (à part les citations) et photo (c) DM, février 2024

illustration de couverture : comme signé sur l’image

Note de lecture

Le Mas Théotime, plongée de nuit dans une Provence sanguine

Je (re)découvre Henri Bosco, un auteur que je pense n’avoir jamais lu auparavant, bien que son nom me fût toujours familier – sans doute, grâce à une institutrice d’école primaire, et à un polycopié à l’encre violette, inséré dans un cahier de poésie ? … Car sa prose l’est, poétique. Petit frère ou plutôt prédécesseur de Jean Giono, chantre d’une Provence exquise et secrète, sauvage, ne s’offrant point au premier regard, il explore les solitudes de l’homme et des paysages, enfouies entre les sillons, les collines et les friches. Son livre Le Mas Théotime m’a rappelé Un de Baumugnes, Colline, ou encore Que ma joie demeure, de Giono : tant par son style (un peu plus lent et attentiste cependant), que par le parfum de France tranquille que nous tenons imprégné dans nos gènes…

(je fais un aparté : à nous, générations d’après-guerre qui avons eu le bonheur de connaître encore un grand-père à la campagne… le grincement de la roue d’une carriole, la course effrénée des poules affolées par le cliquetis métallique du portail du poulailler, les lapins dans leurs clapiers ou l’odeur d’eau verte et sucrée des potagers et des vergers…. mais je m’égare !) …

… tant par son style donc, et les parfums de campagne et d’armoire à linge qui semblent s’évaporer des pages jaunies du livre de poche, que par son sens dramatique et l’atmosphère pesante qui émane de leurs lignes, comme si leurs auteurs avaient su renifler, avec quelques décennies d’avance, la terrible agonie de la France rurale que l’on déplore aujourd’hui. En effet, dans un cadre idyllique, où tournoient, sans menacer toutefois le bonheur des vivants, les ombres des ancêtres, où rougeoient les clameurs du couchant et où le lait fume dans les bols ébréchés, sur la grande table en bois du petit déjeuner, le drame latent qui transpire de ces pages en apparence tranquilles, laisse présager d’un dénouement compliqué, pour ces existences dont l’avenir se trame, avec elles, malgré elles.

Pourquoi Henri Bosco est-il tombé, comme tant d’autres, en désuétude ? Parce qu’il décrit un mode de vie sain, lent et intériorisé, propice à la réflexion, qui manque tant à notre époque surchauffée ? Parce que les valeurs qu’il représente – vertu familiale et retenue sociale, modestie, prudence – n’ont plus beaucoup cours aujourd’hui ?

Le Mas Théotime est un livre d’une rudesse emmitouflée de molleton, un livre qui sent bon la paille et la garrigue, les collines du Lubéron et l’eau des sources. Qui parle de la terre comme d’une personne, avec ses exigences, ses incertitudes et ses gratifications. Qui parle du ciel, de la pluie et des nuages comme d’un film merveilleux et parfois terrifiant, et des saisons comme d’un cycle éternel qui constitue la trame de la vie. Un livre qui nous fait sentir au plus profond de nous, l’attachement à une vieille bâtisse familiale et aux terres qui l’entourent, bichonnées, travaillées, honorées et récompensant de ses fruits des générations de mains et d’outils laborieux.

Qui nous rappelle à nous-mêmes, à nos noirceurs, aux tréfonds cachés de notre âme, et à la lucidité qui s’impose, pour nous en extirper, nous élever et sortir grandi, prenant opportunément les décisions justes et sages, celles qu’impose l’enracinement à la terre et le respect des lois naturelles… Dans un village de Provence, deux familles alliées se voient unies par de nombreux mariages, entre cousins comme ils s’en faisaient tant avant. Au milieu des aléas de la vie, un jeune garçon, sauvage et ténébreux, n’ose exprimer l’amour pour sa cousine vive comme l’air qui déstabilise son caractère terrien. Il rejette donc ces doux sentiments comme une mollesse de cœur pour laquelle il ressent une instinctive répulsion, comme s’il allait s’y noyer, ou perdre quelque chose au plus précieux de son être.

C’est un livre qui parle du sang, celui de nos ancêtres et de leur présence autour de nous.

Qui parle de la voix amicale des gens avec qui l’on vit, même dans le silence, des objets familiers qui nous entourent, et de la chanson du quotidien, répété dans ses gestes et multiple par ses humeurs, le temps, les événements.

Qui parle de choix, de silences portant leur propre compréhension des choses, de communication non verbale, d’instinct et de patience.

Qui nous emmène dans le monde de la terre, ce monde paysan qui fait sourdre en nous nos propres racines paysannes – car qu’était la France d’antan sinon un monde essentiellement paysan ?

Question bien d’actualité, il me semble…. voici un petit extrait sur le monde agricole… enfin ce qu’il était !

« J’avais depuis deux ans établi ma vie sur des lieux dont j’éprouvais la bienfaisance. Cette terre est forte et nourricière d’âme. Mon être s’y alimentait à des sources calmes; et j’arrivais parfois, sous l’afflux de cette fraîcheur qui s’épandait dans tout mon corps, à mêler mes deux sangs ennemis.

« Pour les êtres qui m’entouraient, ils m’apportaient des satisfactions et des soucis pareils à ceux qui me venaient de la terre. Les soucis qu’elle donne sont mâles et d’une progressive pénétration. Car elle satisfait à ce besoin inné de lenteur solennelle et d’éternel retour que seuls la croissance du blé ou le verdissement des vignes offrent à l’homme qui est aux prises avec la grandeur et les servitudes agricoles. »

Le vieux métayer Alibert qui parle peu, ses mains laborieuses posées sur la table quand il réfléchit ou attend une réponse, en signe de confiance. En lui coule le sang des veines de la terre, et la douce amertume des erreurs ou infortunes de ses ancêtres qui lui ont fait perdre leur propre terre.

Marthe, sa femme, saine, intuitive, ne posant pas de question mais toujours au fait de la meilleure et juste chose à faire.

Son fils, Jean, discret, dans la force de l’âge, et Françoise sa fille, brune et solaire, au visage franc et aux yeux directs.

Le voisin Clodius, cousin éloigné, teigneux et envieux, qui hante les lisières de la propriété dans l’espoir de faire fuir ce cousin arrivé de la ville et dont il se serait bien passé.

Le propriétaire, Pascal, sombre mais conscient de ses faiblesses, impétueux mais se maîtrisant, honnête avec lui-même et se méfiant de ses coups de sang, se coulant dans la légèreté du jour comme dans l’épaisseur du soir, avec la confortable impression du travail accompli et la satisfaction d’être parfaitement à sa place. Heureux de ce qu’il possède et ne renâclant pas sur ce qu’il n’a pas.

Geneviève, la cousine un peu dissolue, aérienne et passionnée, qu’il a secrètement toujours adorée mais jamais osé le lui dire, qu’il a repoussée même, et qui surgit dans sa vie, précédée de sa réputation, qui vient se réfugier chez lui, trouver l’apaisement des jours qui se ressemblent et de la nature qui console. Avec elle, entrera dans la ferme, un passé mouvementé…

Des personnages qui, tous, vont à leur destin, certains sans hâte, vaquant aux labeurs du jour et au repos de la nuit sans plus s’attarder sur de lointaines questions, et d’autres, tourmentés ou passionnés, qui y courent avec précipitation, saisissant les branches sur le côté du chemin pour s’y accrocher et accélérer ainsi l’inéluctable aboutissement de leur fragile existence terrestre.

Sur ce fond de vie campagnarde paisible vient se greffer un formidable suspense à la Hitchcock, qui m’a fait frémir d’impatience et frissonner d’anticipation deux ou trois nuits durant !

Le Mas Théotime, d’Henri Bosco
Gallimard, 1952 (ici Livre de Poche)

« Les médisances ont une telle force qu’elles remonteraient le fil du vent. Sans doute peuplaient-elles les airs, où je les respirais sans le vouloir. »

« Clodius espérait ainsi me dégoûter du bien et m’inspirer le désir de retourner à la ville. Selon lui, je n’aurais jamais dû en sortir. J’étais un intrus. Mais, soutenu par les Alibert qui ont beaucoup de patience, je sentis s’éveiller en moi une ténacité si paysanne que je fis tête assez bravement. »

« Geneviève était Métidieu jusqu’à la racine des ongles. Elle ne vivait pas, elle dansait. Sa vivacité me déchirait le cœur. Car mon amour est lent à se poser; il lui faut des objets un peu lourds et qui longtemps restent en place. Pour aimer j’ai besoin d’abord de m’attendrir et non pas d’admirer. Mais d’ailleurs comment admirer (du moins sans jalousie) une âme qui rit en plein vol quand on ne peut soi-même s’élever que faiblement au-dessus de la terre ?

(…)

« Elle était déjà grande, leste, un peu rousse, hardie et offrait alors quelque image d’une créature du vent, s’il en est. Ces créatures-là on peut bien les aimer, je pense, mais on ne les retient pas longtemps à la portée de son amour. »

« L’air n’est pas mon élément, mais la terre; et j’aime les plantes parce qu’elles vivent et meurent là où elles sont nées. « 

« C’est elle qui me révéla cette puissance et aussi cette qualité d’abri moral qui émane des murs du mas Théotime. La douceur m’en était depuis longtemps perceptible, mais je ne savais pas en définir la nature. Geneviève trouva le sens de la maison dont le signe s’était perdu depuis tant d’années. Loin d’y apporter le désordre, elle y venait chercher l’apaisement. Car elle avait imaginé sans doute que nous ne bâtissons jamais pour nous abriter seulement des fureurs de l’hiver, mais aussi pour nous mettre à couvert des mauvaises saisons de l’âme. « 

Note de lecture

Humus ou l’épopée de l’humanité

Je commence l’année par la lecture d’un livre offert par mon père : Humus, de Gaspard Koenig. Comme son nom l’indique : retour à la terre, au tout petit, au travail humble des vers et bactéries qui compostent le sol – une grande leçon d’humilité. Drôle et caustique à la fois, envoyant une volée de bois vert aux dérives de notre époque, tant celles de la société bétonnée et algorithmée que nous subissons de plein fouet, qu’à celles des éco-révolutionnaires qui s’illusionnent sur la capacité à changer le monde par leur seule volonté de bien faire : naïveté suprême face à la mécanique bien huilée du progrès. Dans les deux cas, le précipice gronde et appelle.

Je finis ce livre en larmes : larmes de détresse devant l’inutilité de l’homme, devant ses rêves de retour à la nature et ses illusions en déconfiture, devant ses combats perdus d’avance. Larmes devant l’insondable inéluctabilité de son destin : celui de périr et disparaître, individuellement et, peut-être, collectivement, avec toutes les autres espèces de cette planète, que quelques poignées de milliardaires, financiers, lobbyistes et politiques (et tout ceux qui, par leur complaisance, collaborent avec leurs agissements), jouisseurs, égoïstes et belliqueux sont en train de mener à leur perte. Larmes devant la déroute de l’expérience humaine, enflée de manière grandiloquente, embaumée, infatuée et, en fait, ne ressemblant à rien d’autre que le destin d’un ver de terre. Sauf que celui-ci ne réfléchit pas à son sort et que l’homme, pour se sauver psychologiquement, pour ne pas sombrer dans l’abîme de son désespoir, n’a plus que l’espoir d’une autre vie, réincarnée ou sublimée dans d’autres dimensions, d’autres galaxies, d’autres univers parallèles… ou transmigrée à travers l’humus que deviendra son corps, à d’autres étapes du cycle naturel et de la Vie… et n’a plus comme dernier recours pour vivre encore à peu près heureusement ses dernières années, que l’humble reconnaissance de sa toute-petitesse, la fin de son amnésie hypocrite vis-à-vis des faussetés qui l’ont convaincu de se détourner des véritables faits et du sens de l’Histoire, de se bloquer les yeux avec des peaux de saucisson sur sa véritable origine et ses devoirs d’existence exigés par le Vivant, de s’enorgueillir de ces « progrès » ridicules et souvent destructeurs, et s’inventer une légende mortifère, celle de l’humanité toute-puissante, créatrice de bien-être et de luxe, guerrière et discriminante, qui se positionne en maître de la planète, veut faire la loi et décréter le juste, mais éloignée de ce qui fut sa véritable raison d’être : suivre un chemin spirituel dans ce monde matériel qui, faute de crédit restant, ne peut s’achever que dans la catastrophe, sauf si…

Face à l’irrémédiable déroute de l’humanité, par-delà toutes les vanités, les ambitions et les illusions que chacun se fait de son pouvoir créateur, il ne nous reste qu’à reconnaître et vivre profondément, par le ressenti et l’acceptation, la réalité de notre appartenance au cycle de la vie, et rien de plus : nous sommes arbre qui croît, qui fait des fruits ou pas, glands qui retournent à la terre et donnent d’autres arbres ou pas, écorce, branchages et feuilles qui retournent à la terre et se décomposent, participant du prochain avènement d’un cycle.

Propulsée par la soudaine réalisation de l’histoire miraculeuse et éphémère de sa création ou de son apparition (selon qu’on croit à une intention ou pas), de son passage sur terre et de son éternel renouvellement, l’humanité peut alors reprendre sa place et pas plus que sa place au cœur d’un univers grouillant de vie et gluant de mucus : c’est au prix de cette prise de conscience et à ce prix-là seulement que l’on pourra envisager, pour l’humanité, un chapitre XXIII.

Ce livre a reçu le Prix Jean Giono et je comprends leur affinité : non pas tant dans le style (qui est aussi décapant que celui de Giono respire la force tranquille) que dans le cri puissant jeté au vent, contre les excès du modernisme, et les dérives du nouvel écologisme – qu’il soit start-upien ou révolutionnaire… et pour la défense de la terre, et d’une certaine homéostasie de l’humain avec le reste du vivant – entendu comme la large palette des règnes : animal, végétal, minéral – avec lequel nous partageons ce séjour sur terre.

Car, j’en suis pesuadée, le minéral a une vie, lente et millénaire, qui s’exprime dans les strates géologiques, dans la chaleur et l’humidité, dans la matière, le volatil et le liquide, dans l’explosion et la rétraction, dans le mouvement, aussi imperceptible soit-il, dans l’instinct de préservation et d’expansion, et dans la dissolution : qu’est-ce d’autre que cela, la vie?

Humus, de Gaspard Koenig,
Les Editions de l’Observatoire, 2023

texte et photos (c) DM, janvier 2024

Le pouls de la Terre

C’est une large vallée entourée de falaises

ocres, rouges, chocolat

et ombragée d’oliviers

une rivière la traverse

au couchant

les roches s’empourprent de rouge flamboyant

chocolat, cannelle, orange,

rochers de pierre tendre,

façonnés par le vent, la foudre, le gel, le soleil et l’eau

sable blond

où crapahutent léopards, babouins et marmottes

lézards, petites antilopes

où le jour s’écrase en une chaleur tournante

comme dans un fourneau

rochers pulvérisés

chaleur dense rivière cascades et piscines enrochées

vent éclair orage tourbillonnant 

horizon tournoyant

le cœur de la terre qui pulse

vallées fertiles et roches desséchées

atomisées sous l’effet du soleil 

où alternent

canicules et inondations

où poussent les citrons les mangues les abricots les amandiers et les olives

falaises déchiquetées

buissons piquants aux senteurs acides

herbes citronnées et amères

arbustes aux odeurs de terre

étoiles explosées comme des diamants

nuit pure, vénus incandescente

ciel abondant en légendes anciennes

terre ancestrale des bushmen

peintures évoquant les transes chamaniques

invocation à l’esprit de l’éléphant

pour guérir le monde

les feuilles chantent au murmure du vent

comme des gouttes de pluie

un petit bout de provence un petit goût d’algérie

au bout du monde retrouvés

(Monts aux cèdres, Afrique du Sud, mars 2022)

(c) DM

Prière pour la Fin des Temps

Ecoutez en lisant : https://music.youtube.com/watch?v=PZeTKfpFfOI&list=RDAMVM0QFY3SCgUGA

Homme, Femme, Vieillard ou Enfant,

Vivant, décédé ou encore à naître

Que ton Coeur soit pur et lumineux

qu’il éclaire ta route au-devant

et irradie autour de toi

Qu’il soit phare pour les Autres

et pour toi, guide et réconfort,

afin que ton chemin soit joyeux

Que chaque Jour soit comme le Dernier,

beau et bon et bienfaisant

comme un pain chaud sorti du four

Et que ton Cœur se réjouisse

lorsque les étoiles pâlissent

au firmament

Que la Terre soit fertile et nourricière

et notre Mère à tous

Que le Soleil, la Lune et les Etoiles

redeviennent nos parents, nos frères, nos soeurs et nos enfants

Et les éléments, notre levain

Que chaque Cœur vibre d’Amour et se relie au Sans Objet

Cœur de l’Univers, dont il est à la fois Tout et Partie

Que chaque Cœur vibre de Compassion pour tout ce qui est Vivant,

sachant que toute la Création est issue d’un même atome,

du même abîme,

et vibre du même Son originel

Que homme et femme se chérissent et se complètent

et se donnent naissance l’un à l’autre

comme la vigne et le raisin

ou deux sarments d’une tresse

Que tes yeux donnent du sens à ce qu’ils regardent

Et que tu sois béni mille fois en retour

par le regard des Autres sur toi

Que ta bouche chérisse le silence

Et tes oreilles attentives au bruissement des feuilles

au gargouillis de l’eau

au murmure discret des étoiles

Que tes mains caressent sans chercher à saisir

et offrent au Monde ce de quoi tu es fait

Que ta langue, ta peau goûtent à l’Infini

et aspirent à sa Tendresse

Que ton langage soit prière

Que ton Verbe soit Chant,

et qu’il se fasse chair

Que ton respir soit doux comme celui d’un enfant

Tendre ton inspir

Généreux ton expir

Cycle précieux en harmonie

avec la grande respiration de la Terre

Que tes hanches soient souples et ta démarche sûre

Rassurante ta posture et ferme ta direction

Que tes pas te guident où tu es en harmonie

où ton cœur et ton corps palpitent sans faire de vagues,

profonds comme un lac d’altitude

seulement ridé à la surface

par quelque facétie du vent

le frémissement de tes sens

et la Noble expression venue du fond

de tes émotions

Que tes bras accueillent le Grand Mystère

et l’embrassent chaleureusement

Qu’ils reçoivent en retour

le frisson du Vivant

Que ton Esprit soit clair et ta pensée limpide

Que tes pensées, tes paroles et tes actions

résonnent comme un acte d’Amour,

alignées sur le Grand Principe

car chacune d’entre elles

influence le Tout

Que ton plexus soit fort face à l’adversité

et ne daigne ni fléchir ni se décourager

Que ta pratique soit ainsi, simple et dédiée

Que chaque être voie le monde

avec l’âme d’un enfant

dépourvu de toute intention de nuire

Que Notre Cœur vibre à l’unisson

avec le reste de la Création

Que tes yeux enfin scintillent

de toutes les Beautés du monde

qu’ils reflètent l’effervescence de ton Cœur

ils seront un signe de ta Joie d’être en Vie

Reçois la vie à pleines mains

et les bénédictions seront légions.

(c) DM novembre 2020