« Sortir du capitalisme » (… du consumérisme, et de l’État providence)

C’est la seule bonne nouvelle que Macron pourrait offrir à la France.

Oui, mais comment ? 

Saura-t-il renier sa caste (les banquiers) , et affirmer la prééminence du collectif sur le dogme du « profit » et de la « croissance » (qui profitent toujours aux mêmes) ? 

Est-ce que la France – patrie des droits de l’Homme, terre de migrations, de la Révolution française et des Lumières – saura une fois de plus être l’inspiratrice, le guide, celle qui prend le taureau par les cornes, et qui dans un sursaut ose enfin remettre en question, de manière très concrète, ce système qui de par le monde est en faillite et ne crée que de plus en plus d’inégalités sociales ? Sans retomber dans un autre « isme » ? Et inspirer d’autres nations à tendre vers un nouvel ordre, une nouvelle pensée, un mode de fonctionnement alternatif ? Voilà une option qui nous remettrait dans le cours de l’Histoire et redonnerait à notre pays toute sa justesse et sa grandeur. 

Peut-on prendre le parti de ce qui se passe aujourd’hui en France pour opérer un changement de direction et initier une nouvelle société où chacun peut vivre de ses talents et vivre dans l’abondance – matérielle, affective, spirituelle – tout en restant dans la sobriété ? Où chacun modère ses désirs et sa consommation, pour faire émerger le « vivre ensemble » ? 

Mais aussi est-ce que chacun, individuellement, est prêt à faire le pas, à changer ses modes de vie, c’est à dire à consommer moins, mieux, vivre modestement, arrêter la course aux dernières technologies, arrêter de changer de voiture tous les 2 ans, arrêter d’acheter des choses emballées dans du plastique et des nourritures industrielles, de prendre des crédits conso, arrêter d’acheter le poulet le moins cher (celui qui a été élevé en batterie), de se précipiter chez le médecin et à la pharmacie consommer des médocs dès qu’on a un petit bobo (et plutôt prendre en main sa santé), s’approcher du zéro déchets, arrêter d’acheter des broutilles en ligne, arrêter de se précipiter dans la foire à la consommation de noël (et plutôt offrir des choses signifiantes et gratuites, comme : du temps, de l’attention, un sourire, une réconciliation, ou des petites choses dont nous avons perdu le sens de la valeur – comme au tan lontan comme on dit à la Réunion ! – une mandarine, une branche de sapin enneigée, une merveille dont la nature qui nous entoure abonde…), vider nos boîtes e-mails, sms et nos conversations whatsapp (le stockage de données web ou cloud utilise des quantités astronomiques d’énergie, des immenses serveurs installés dans les zones arides et désertiques, aux Etats-Unis et ailleurs), arrêter de regarder la télé – toutes choses qui font vivre cette société capitaliste que l’on décrie tant ?

La « sobriété heureuse »

Est-ce que nous serions prêts, nous les plus aisés, à sacrifier un tout petit peu de notre bien-être, nos voyages en avion, nos agitations incessantes en voiture, nos dépenses excessives, (je dis « nos » mais personnellement je m’y attelle depuis plusieurs années déjà), nos fringues et nos chaussures, nos économies et nos comptes en banque que nous emporterons dans la tombe… pour revenir à un mode de vie plus simple et commencer à rééquilibrer un peu la société, en faveur de ceux qui n’ont rien ?

Est-ce que nous accepterions de vivre avec les effets d’une réduction des dépenses publiques inutiles, telles que des ronds-points de plus en plus mégalo, des panneaux, des réfections de chaussées alors qu’elles sont encore en état correct, des subventions pour un oui pour un non, des trottoirs, des ralentisseurs (est-ce que nous accepterions de rouler un peu moins vite, afin que les communes n’aient pas à construire de ralentisseurs…) , des parkings (que l’on nous fait payer à construire, puis payer à utiliser ensuite) , bref appliquer la sobriété aussi aux dépenses publiques ? 

Exiger de nos députés qu’ils demandent et obtiennent qu’un réel pouvoir soit donné aux rapports de la Cour des Comptes – qui chaque année fait un travail réellement indépendant et met en lumière des dépenses inutiles ou mal gérées et d’innombrables dysfonctionnements de l’Etat ? Arrêter de (se) mentir sur la santé publique et mettre en pratique, pour de vrai, le principe de précaution (en ce qui concerne la pollution, de l’eau, de l’air, par les pesticides, les antibiotiques, les ondes électro-magnétiques, les pénuries à venir) et reprendre notre pouvoir de PENSER PAR NOUS-MÊMES, individuellement et collectivement ?

Est-ce que nous pourrions arrêter de râler pour tout ce qui ne va pas, accusant le ciel et la terre, nos parents, nos enfants, nos ex-, nos voisins, la commune, l’Etat, les étrangers, etc. de tous nos maux, et nous souvenir que la vie n’est pas un lit de pétales de roses et que chacun traverse son lot de galères, et recevoir ces galères comme les bons moments avec le sourire ou tout au moins avec grâce, accepter son destin et se prendre en mains c’est aussi accepter sa part de galères – nos aïeux ont eu des destins autrement plus difficiles avec les guerres et les privations – sans que ce soit toujours « la faute à quelqu’un », et parce qu’il est juste d’exprimer sa colère mais cela doit se faire dans le respect ! Recevoir gracieusement, les galères comme les réussites, car les deux sont les deux faces d’une même histoire… et les deux ont des messages cachés dont nous pouvons tirer bénéfice pour faire grandir nos vies.

Se retrouver, être ensemble, se respecter, s’écouter ? Est-ce que nous accepterions de ralentir, au lieu de chercher à aller de plus en plus vite, utilisant des autoroutes qui coûtent des fortunes et enrichissent les mêmes en péages, prenant les badges ceci, les abonnements cela, de plus en plus, toujours de plus en plus… STOP ! Vous êtes complices. Nous sommes tous complices, à un certain degré… Le consommateur détient un pouvoir unique – celui de consommer ou de ne pas consommer – utilisez-le !

Ecoutons les voix comme celle de Pierre Rabhi, Susan George, Ivan Illitch, Boris Cyrulnik, que sais-je encore (ajouter les vôtres dans les commentaires !) et discutons ensemble de la transition vers un nouveau mode de fonctionnement, économique, social, individuel, collectif.

Et pour commencer, engranger un vrai débat démocratique sur ce qui est vraiment important à l’humanité – si tant est que nous voulions la maintenir… Enfin, est-ce que nous sommes prêts à remettre en question le travail salarié – véritable esclavage moderne dans certains cas – et créer et vivre de nos activités d’entrepreneurs (pourvu que les taxes, la TVA, les impôts baissent) plutôt que de vivre au crochet de la société par le chômage, les allocations, lorsque l’on est dans la fleur de l’âge et que l’on devrait offrir sa contribution à la société par son travail, plutôt que l’alourdir et la rendre exsangue ? En maintenant ces bénéfices pour ceux qui en ont vraiment besoin : les malades, les plus pauvres, les plus âgés ?

Et tout cela, dans le respect de nos histoires respectives, sans couper de têtes mais en offrant à chacun le défi d’un monde meilleur, à relever et à construire. Avec un peu de positivisme s’il vous plaît. 

Utopie ? Je crois qu’on y est, cependant. On est devant la porte, elle s’ouvre. C’est un choix devant lequel on ne peut plus reculer. 

Saisonnière

Bref ou progressif, tout changement nous surprend

Et notre cœur s’étonne,

Et frissonne

Et questionne le lien qui nous unit à ce qui vient d’être

A ce qui aurait pu être

A ce qui n’a pas vu le jour

Mais qui revient sans cesse nous hanter

Et s’arrache à ce qui semblait immuable

Et regrette et se plaint

Et rechigne à glisser avec le temps

Noces sur le roc

Bretagne; toujours…

Mon corps se souvient, au contact du rocher. De ces belles journées d’été à sautiller dans l’eau froide, de ces longs ciels bleus striés de mouettes claires, de cet espace qui s’ouvre lorsque le reste n’importe plus. Mon corps n’est pas lourd, mais sous le soleil irradiant ce matin il s’enfonce dans la matière de ce rocher comme du beurre retournerait à son état liquide. Une agréable et légère sensation de brûlure effleure ma peau, sitôt soulagée par la brise du nord-ouest qui assouvit tous mes désirs. Mon corps que personne ne touche depuis des semaines fait un avec le roc, trouve dans son contact rugueux et solide un plaisir indicible. Sans mouvement aucun, l’union s’accomplit au rythme de ma respiration, sous la chanson des vagues lointaines.

Mon corps explore ces sensations familières qui ne sont pas nouvelles mais pourtant semblaient oubliées. Il se repose dans le soutien que forme la croûte terrestre sous les blocs de rochers, jetés et plantés au bout de cette plage depuis des temps immuables. Il se projette au plus profond de la terre, dans son cœur explosif et brûlant où toute vie fut engendrée et où bouillonnent encore moultes formes inconnues. Il flotte pour ainsi dire entre ce matelas terrestre, dur mais rassurant, qui lui transmet sa force, et le ciel qui s’étend comme un voile de mariage au-dessus de lui.

Mon corps prie pour ne plus oublier. Il s’étonne de la distance qu’il a laissée se former entre ces simples messages de la nature et lui. Son écoute avec les ans s’est émoussée, il est devenu sourd aux subtiles mélopées que murmurent le vent, le sable, la mer, le roc. Même les mouettes dans leur danse erratique semblent lui reprocher sa folie. Et pourtant il sait que ces messages sont ancrés en lui, et qu’il lui suffirait d’un peu de pratique, d’un peu d’écoute pour faire renaître ce sourd désir qui affleure maintenant en tension amoureuse. Mon corps honnit ces expériences sépatrices de l’enfance qui n’ont laissé que des marques de désaffection, des idées de rupture, des isolements, des négations, des coupures d’avec le monde et son immense cœur qui palpite.

Contrastes

Mercredi, veille de l’Ascension

 

17h – 438 kilomètres de bouchons

Le Rhône avale des giclées de soleil

Des milliers de parisiens font les Bidochons

Rouge sang la pivoine règne au jardin

 

18h – 499 kilomètres de bouchons

L’air du soir compose, la trêve s’impose

Soupir ; et un regard perdu vers les roses

Avant que la chaleur n’empâte leur éclat

 

19h – L’A6 implose, la campagne se repose

Le téléphone sonne et l’Europe débloque

Les lilas ont cédé la vedette à la glycine

Pâle, celle-ci néanmoins affiche

Une fière giboulée de clochettes sibyllines

 

20h – Gares surchauffées, aéroports survoltés

La maison respire et se gorge des fées

Lâchées par le jour qui tombe au ras des prés

Le chat l’intrus se glisse, discret

La chatte est déjà passée

 

21h – Manchester pleure

Une adolescente a incendié sa sœur

Les grands voyageurs atteignent, en sueur

Quelque havre, pour quelques heures…

Des pétales de rose au couchant

 

22h – La folie du monde se tapit, attendant sa revanche

Les anciens se souviennent

Leur regard transperce le temps

Du fond d’une photo qui livre son secret

L’aloé fléchit dans le vent

 

23h – Le ciel étincelle

La colline noire, inflexible aux accents des bourrasques

Souligne d’un trait immuable

Ce que n’ose dire

Le grand dragon ailé

Qui gît dans la vallée.

 

Minuit – La nuit s’est glissée

Dans les interstices

Des vieux murs étoilés

Tandis que se délient les cœurs et les oreilles

Le corps incertain se rebelle

 

Le ciel s’est paré de grandes traînées laiteuses

Voile de mariée enveloppant la terre

Un miaulement familier devient mystère

 

1h – Veillent encore les cœurs inquiets

La hulotte aux aguets

Ceux pour qui le chant du soir est un songe creux

Ceux qui chuintent des larmes de feu

Le lynx élusif et le renard fêtard

 

Comme un point de beauté,

Vénus au firmament descend…

 

(mai 2017, hommage à Nino Ferrer….et clin d’œil à Reiser !)

Profession de foi

à Juliette !

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Je suis l’Indomptable

La rebelle aux ailes brisées

La goëlette aux voiles irisées

 

Je suis l’Irréfutable

La Preuve par 6,

La vahiné

Qui de ses jolis pieds va charmer les sirènes

Et chatouiller les Tritons affamés

 

Je suis l’Infatigable

La grande Diseuse de Vérités-qui-fâchent

La redresseuse de torts

La Justice enfin rétablie

Je suis la Révolte

Au front des étudiants

 

Je suis la toute fine

La Grande

La Délaissée

La Belle-au-Bois-Dormant qui attend son baiser

En lisière des rêves agonisés

 

Je suis l’Acharnée

Qui ne recule que pour mieux sauter

Celle qui, point par point ira tisser sa toile

Pour tout englober

 

Je suis la Diane verte au regard sibyllin

A l’ironie fulgurante

Aux flèches fuselées

À la touche d’acier

 

La Vestale de Delphes aux pieds ensanglantés

Qui prédit la débâcle des lâches et des menteurs

La mise au ban des dévoyés

L’avènement certain de l’authenticité

Le retour annoncé de l’antique Splendeur

 

(décembre 2017)

Equinoxe

Ainsi la nuit reprit son envol et rattrapa le jour. Et la terre se résigne et son poil s’épaissit. En ce temps d’équanimité, chaque chose a une égale valeur. Tout ce que nous avons vécu se resserre en une trame que la navette viendra traverser, la saison des choses tombées fait sa toilette, lèche ses pattes, et libère nos cœurs de leurs fardeaux trop pesants.

Le grand mouvement du ciel se poursuit, que l’on le veuille ou non.

Mais déjà pointe au loin, derrière l’aube noire, une lueur, un destin, un ancrage reconnu qui parle à notre âme de ces moments de gestation nécessaire, qui dans la nuit profonde vont poursuivre leur œuvre.

Nos pas se raffermissent alors que s’ouvre devant nous la grotte sombre à la bouche hurlante, où le bleu sommeil du lézard, aveuglé du soleil de l’été, chante encore ses brûlantes caresses. Inquiet, le vivant prépare ses quartiers, emmagasine ses noisettes, rit encore effrontément.

Au fond de son être il sait, avec cette sagesse intime qu’il ne tient qu’à nous de découvrir, que le vert va pourrir, que le vent va gémir, que le jardin va se rendre; lentement, inexorablement.

Qu’une couverture froide et dure va lentement se déployer, figer de brun les moindres recoins, jusqu’à sa victoire complète… elle aussi, illusoire. Car dans ce jeu des forces opposées, nuit et jour jamais ne gagnent complètement, jamais ne se rendent. Car on respecte l’adversaire ! Et aussi, parce que l’un a besoin de l’autre pour exister. Parce que quand l’un rayonne, l’autre est en friche et se repose, et prépare son retour sur scène. Comme une dernière tournée, consommée mais toujours renouvelée.

Arrivent ainsi les soirées douces et partagées devant le noir miroir de la nuit; les petits jours grisâtres et écœurés; les midis splendides où la conquérante s’efface de bonne grâce. La joie subtile et brillante de l’étole blanche qui fera son défilé de mode, transformant le monde, quelque temps, en magie silencieuse et éphémère.

Arrivent aussi, au cœur de la nuit, les regrets, les non-dits, les non-vécus, le cortège des avortés qui fait frémir notre ciel. Arrivent les sourdes vengeances, les désirs ravivés comme s’échappant d’une braise sous le velours des cendres. Arrivent les amertumes parfumées et l’apaisement de celui qui sait les regarder, comme une amante aux yeux brisés.

Viennent le repli, le corps écartelé entre rythme envoûtant et soyeuse paresse. La plongée dans de bienheureuses tendresses, avec soi-même, avec ceux qui partagent notre destin. La mûre réflexion pourra enfin jaillir, dans le mouvement ralenti des choses et des êtres, et comme une roue solide et bienveillante, viendra tracer en nous le sillon de futures épopées, fera éclore en nous le bourgeon d’un avenir sans tain.

(22 septembre 2017)

En passant…

Parce que la vie est ainsi faite : de petits moments inscrits dans le vent, de petits riens qui se tiennent la main. Des instants au parfum sauvage qui nous emportent avec eux; des instants au charme ténu qui se referment comme une huître; de grands moments radieux où le corps et l’âme exultent; des instants tentateurs comme des angelots joufflus qui nous distraient et nous emmènent faire un détour, parfois un long détour… dont on se réveille avec la curiosité de celui qui a fait un rêve pénétrant, ou encore, avec une gueule de bois coriace.

Tous ces instants s’allient et s’entrecroisent, et souvent s’essoufflent tout seuls, car telle est leur nature: de passage; et nous, pauvres humains, nous les fuyons ou nous leur courons après; trop tard, nous réalisons la grâce qui vient de se passer; ou bien nous goûtons et les regardons dans les yeux, avec, déjà, la pointe amère du regret quand s’effiloche la queue de la comète. Nous tentons d’en comprendre le sens, nous aimerions les attraper, les saisir au passage et les collectionner, les disséquer, les analyser, en faire une thèse, une pièce à conviction, les rendre utiles et bêtes.

Ces chroniques de l’éphémère sont prises sur le vif, en passant. En passant dans une ville, dans un jardin, sur une autoroute, chez quelqu’un. En passant car je sais bien que mon regard, et même mes notes, n’en feront guère de plus que quelques petites traces d’oiseaux sur une neige fraiche. Elles sont une célébration de tous ces petits instants qui n’ont l’air de rien mais forment la trame d’une vie.

Regarder ce mouvement à l’ouvrage, adhérer à ses formes multiples, qu’elles soient utiles ou bienfaisantes, incompréhensibles ou violentes, et se laisser pénétrer, contenir, balloter par ces instants comme une barque sur l’océan, n’est-ce pas là ce qui donne de la saveur, de l’honneur, à la vie ?

Car finalement, comme le titre André Brink dans un de ses romans, nous ne sommes qu’Un instant dans le vent…