Surtout, parmesan à personne !

petit poème gratiné

Ce matin en me réveillant,

j’avais un trou dans le mental

j’ai entendu un brie qui court …

Serait-ce encore ce fichu thème de gruyère ?

J’ai cherché un coin de ciel bleu d’Ecosse

remis dans l’âtre une bûchette de mi-sec

ai lâché un crottin de Sèvres

lissé mon plumage de brebis

me suis remémoré cette soirée vacherin chouette

hier après l’ascension du Mont d’or

où l’on n’a pas comté ses efforts

J’ai tiré la langue à la tâche-qui-rit

sur la table, une poule de mozarelle

m’a pondu quelques olivets

Pour ne pas confronter la cruelle-des-champs

j’ai fui dans la brousse-aux-herbes-de-morse

j’ai couru comme une folle, hé, poisse !

car ici les camemberts sont rudes

– on se caillait la meule des alpes –

bref, j’ai croisé un fort beau roquet

qui chantait un cantal de Bach

comme un boursin mal léché

Par ce froid – un vrai concours de caillotte –

il faisait un reblochon de sa voix

et n’en finissait pas de se raclette la gorge

J’ai prié : soignon-nous bien !

et des livarots-nous du mal

C’était au jour de la saint-nectaire

les cloches sonnaient à toute Vully,

rouges comme les fourmis

qui convergeaient vers Ambert

Pardou ! pour un soufflé dans la corne d’abondance

j’aurais donné mon coeur de chèvre

Voulant lancer un pavé du Larzac (je me marre)

à peine Zeller était-il sorti

que j’avisai un grand gouda au cul mince

et me saisis d’une clé à mimolette –

à défaut d’une volée de chevrotine –

(j’m’en vas te me l’bichonnet çui-là, me dis-je)

pour le réduire en fromage frappé

mais surtout parmesan à personne !

(car malgré le volume de ses tommes

je n’ai jamais aimé ce mormon de Zola)

La suite ne manque pas de piquant

j’ai replongé dans le bouillon

et pour garder la serpette froide

j’ai décidé d’éplucher des savattes

d’y ajouter des champs de pignons sautés

quelques marottes râpées

avec une belle tronche de pain

un filet digne d’Ovide

quelques crins de poivre

une pincée de fiel

et le four est joué !

Voilà de quoi me faire cuire un boeuf

m’en mettre plein la trempe

me régaler d’une triphasée de museaux

je m’en pourlèche déjà les salines

le tout arrosé d’un demi-pitre de cidre

et assaisonné d’une delphine-aigrette !

(c) D.Marie

photo getty images

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